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Rue des Beaux-Arts n° 72 – Juillet/Août/Septembre 2020 Le docteur William Wilde avait écrit : «Tant que de l'otorrhée (écoulement par l'oreille, comme la suppuration) est présente, il est impossible de dire comment ou quand cela finira, ni vers quoi le patient s'achemine.» Wilde s’acheminait vers la mort. Elle arriva, comme on sait, le 30 novembre 1900, à deux-heures moins dix de l’après-midi. Si Oscar Wilde s’est toujours senti relativement étranger à l’univers médical, dans lequel il fut cependant immergé dans son enfance et son adolescence, c’est pourtant un malade dont il fera un de ses personnages les plus emblématiques de son théâtre. Mais c’est un personnage virtuel, en quelque sorte, un nonpersonnage que, non seulement on ne voit jamais, mais qui n’existe que dans l’imagination d’Algernon Moncrieff, à qui il sert d’alibi pour dissimuler ses frasques. En effet, Algernon, jeune célibataire frivole, irrévérencieux, égoïste et spirituel, pur produit de la upper-class, mène une double vie. Afin de la dissimuler, il s’est inventé un ami invalide qui n’en finit pas de mourir, et auquel il doit rendre de fréquentes visites charitables, ce qui lui permet d’échapper à toutes les obligations familiales et sociales auxquelles il désire se soustraire. Bien qu’étant une pure création mentale, le simple produit d’un astucieux mensonge, Bunbury occupe une place centrale dans la pièce, au point que, dans certains pays étrangers (l’Allemagne, par exemple), le titre original « The importance of being Earnest » se transforme bien souvent en « Bunbury ». Cet être fictionnel prouve son utilité tout au long de la pièce. Rien que dans la première scène, avant même l’apparition de l’inénarrable Lady Bracknell, son nom est évoqué un grand nombre de fois. Algernon le présente à Jack de 8