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Rue des Beaux-Arts n ° 80- Juillet – Août – Septembre 2022
leur nature artistique ( les rent boys et leurs marlous étant des êtres qui documentaient son livre selon Proust ou qui procuraient à l ’ artiste qu ’ il était des suggestions et des stimulations délicieuses , selon Wilde ). Le génie s ’ inscrit rarement dans la normalité . Il ne se laisse pas enfermer dans les limites étroites de la morale bourgeoise . Toulouse-Lautrec fréquentait les bordels , Verlaine était un ivrogne , Rimbaud un insolent vaurien , Baudelaire se droguait , Genet était un voleur , et François Villon un voyou de la pire espèce . Aurait-on voulu pour eux une existence sans aspérités et dépourvue de zones d ’ ombre ? Les vies rangées sont pour les fonctionnaires , pas pour les artistes . Le pourpre de l ’ interdit violé et le noir profond du pêché se sont immiscés dans l ’ encre de Proust et dans celle de Wilde . C ’ est de ce mélange vénéneux que sont nés Le Portrait de Dorian Gray , La Ballade de la geôle de Reading ou le De Profundis . C ’ est de cette encre souffrée que Proust a bâti son magnum opus , qu ’ il a élevé , avec les pierres de ses souvenirs où le sulfureux tenait sa place , les piliers , les arches et les voûtes de cette cathédrale immense qu ’ est La Recherche du temps perdu .

2 – Publications

Danielle Guérin-Rose
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