N° 80 | Page 35

Rue des Beaux-Arts n ° 80- Juillet – Août – Septembre 2022
Dorian Gray entreprend tardivement de changer de comportement . Il détruit un miroir et décide de devenir « bon » et de se tourner vers autrui . Après tout , si le mal qu ’ il fait peut défigurer le portrait , peutêtre que des bonnes actions pourront le réparer et lui faire retrouver sa splendeur originale .
Las ! le résultat n ’ est pas celui escompté : « Il ne vit aucun changement , si ce n ’ est une expression rusée dans le regard et , près de la bouche , la ride sinueuse de l ’ hypocrisie . » Impossible de mentir au portrait , Dorian doit se résoudre à accepter que ses bonnes résolutions n ’ étaient pas sincères . Incapable de savoir ce qu ’ il veut et ce qu ’ il pense vraiment , il choisit de se débarrasser de cette encombrante et trop sincère prothèse : « Il tuerait cette âme monstrueuse qui habitait le portrait . » Entendant un cri , les domestiques se précipitent et découvrent alors une scène étrange , qui conclut le récit : « En entrant , ils virent contre le mur un magnifique portrait de leur maître tel qu ’ ils l ’ avaient vu pour la dernière fois , dans tout le merveilleux éclat de sa belle jeunesse . Un cadavre en habit de soirée gisait par terre , le coeur transpercé d ’ un poignard . Son visage était flétri , ridé , repoussant . Seul l ’ examen de ses bagues permit d ’ identifier le mort . » Il est donc possible d ’ inverser le sortilège du narcissisme , mais le prix à payer est plutôt dissuasif .
Sebastian Dieguez
35