N° 80 | Page 34

Rue des Beaux-Arts n ° 80- Juillet – Août – Septembre 2022
personnes cherchant désespérément à préserver leur jeunesse . Même si le syndrome n ’ est pas reconnu officiellement dans les manuels de psychiatrie , il met en lumière un phénomènede société intéressant . En effet , la chirurgie esthétique et l ’ industrie des cosmétiques permettent aujourd ’ hui , ou du moins donnent l ’ illusion de permettre , un certain ralentissement des effets de l ’ âge . Le syndrome désigne laprésence simultanée d ’ une dysmorphophobie ( une préoccupation excessive pour un défaut physique le plus souvent inexistant ) du narcissisme et d ’ un déni du processus normal de vieillissement . Le rêve contemporain d ’ une éternelle jeunesse est devenu une réalité inquiétante , qui semble avoir entièrement oublié la leçon d ’ Oscar Wilde . Le sociologue et historien Christopher Lasch l ’ avait déjà souligné dans son livre La Culture du narcissisme , publié en 1979 . Le culte de la consommation , de la célébrité et de la jeunesse semble avoir déclenché une épidémie de narcissisme . Les parallèles avec le narcissisme clinique impliquent alors , à l ’ échelon national , une méfiance généralisée envers l ’ altérité , l ’ émergence des nationalismes et des phénomènes de clans , et la médiatisation des rapports sociaux qui deviennent de plus en plus artificiels . S ’ il est difficile de se prononcer sur les conséquences à long terme de ces évolutions sociales , la fin du Portrait de Dorian Gray en illustre parfaitement les dangers . Remettre sa vie entre les mains d ’ une image de soi trompeuse et artificielle semble conduire inéluctablement au désastre . Quand le double se défait , il ne reste généralement plus grandchose de l ’ original . Ainsi , réduit au dégoût de sa propre existence , ayant semé la mort et la désolation autour de lui , ayant anéanti sa réputation dans tous les quartiers de Londres ,
34