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Rue des Beaux-Arts n ° 80- Juillet – Août – Septembre 2022
le portrait défiguré , avant de l ’ assassine froidement et de se débarrasser du cadavre par décomposition chimique , à l ’ image de sa propre conscience qui se désagrège sur le portrait .
Une analyse du narcissisme
La faculté du portrait à révéler le fond de l ’ âme suscite une fascination , voire une obsession , du héros pour cette image secrète . En dépit du contraste de plus en plus évident entre l ’ original et la copie , Dorian ne peut s ’ empêcher de le contempler . « Il se tenait debout face au portrait , un miroir à la main . Il regardait tour à tour le visage du tableau , mauvais et vieillissant , et ce visage jeune et beau dont la glace lui renvoyait le rire . La violence du contraste intensifiait sa joie Il était de plus en plus amoureux de sa propre beauté , la corruption de son âme le captivait de plus en plus . Il examinait , avec un soin minutieux et parfois avec un terrible et monstrueux plaisir , les lignes hideuses qui flétrissaient ce front ridé ou s ’ acharnaient sur le contour de cette bouche lourdement sensuelle . Il se demandait lesquelles étaient les plus effrayantes : les marques du temps ou celles du péché ? Il posait ses mains blanches à côté des mains rugueuses et boursouflées du portrait . Et il souriait , il riait de ce corps difforme , de ces membres affaissés . »
Cette étrange fascination rappelle évidemment le mythe de Narcisse , et Oscar Wilde y fait référence à plusieurs reprises . Ainsi , « un jour , pour singer Narcisse , [ Dorian ] avait baisé ou fait semblant de baiser ces lèvres peintes qui lui adressaient maintenant ce sourire cruel ». Cependant , une différence cruciale avec le mythe de Narcisse réside dans le fait que Dorian est parfaitement capable d ’ identifier son
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