Rue des Beaux-Arts n°69 – Octobre/Novembre/Décembre 2019
War’s ruin, and the wreck of chivalry
To her proud soul no common fear can bring:
Bravely she tarrieth for her Lord the King,
Her soul a-flame with passionate ecstasy.
O Hair of Gold! O Crimson Lips! O Face
Made for the luring and the love of man!
With thee I do forget the toil and stress,
The loveless road that knows no resting place.
Time’s straitened pulse, the soul’s dread weariness,
My freedom and my life republican! 1
Ceci mérite qu’on s’y arrête un instant, en dépit des faiblesses
poétiques (notamment l’utilisation de l’archaïsme "tarrieth" et de
l’affligeante neuvième ligne ‘O Hair of Gold! O Crimson Lips! O
Face’. D’abord, cela révèle la conviction de Wilde selon laquelle
Terry s’est tellement identifiée à son rôle que les deux sont devenus
indissociables.
Le poème est intitulé ‘Queen Henrietta Maria’, et
non pas, disons ‘Sur Ellen Terry, jouant “Queen Henrietta Maria”’.
Ensuite, Wilde est conquis par le rôle joué par Henrietta Maria dans
le contexte plus large de la guerre civile Anglaise, au point de
s’identifier au camp des Cavaliers, fût-ce en oubliant sa « vie
républicaine ». Il était assez content de son sonnet pour l’envoyer à
Ellen Terry ‘comme une modeste preuve de ma grande et loyale
admiration pour votre splendide pouvoir artistique, ainsi que pour
La Reine Henriette-Marie – Sous la tente solitaire, dans l’espérance de la victoire, les yeux
troublés par les brouillards de la souffrance, pareille à un lys que l’ondée fait pencher ; les cris et
les bruits de la bataille, le ciel ensanglanté, le fléau de la guerre, le naufrage de la chevalerie ne
sauraient faire naitre en son âme fière une vulgaire crainte. Elle attend bravement son Seigneur, le
Roi, et son âme brûle tout entière d’une extase de passion.
O chevelure d’or, ó lèvres pourpres, ó figure faite pour la séduction et l’amour de l’homme ! Avec toi
j’oublie la fatigue et l’inquiétude, et la route sans amour où tout repos est inconnu et le pouls
accéléré du Temps, et la mortelle lassitude de l’âme, ma liberté et mon passé républicain.
(Traduction Albert Savine – Stock – 1907)
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