Rue des Beaux-Arts n°69 – Octobre/Novembre/Décembre 2019
Alfred Douglas in Charlie Morel » (Sans doute y a-t-il un peu
de Wilde dans Charlus ; et il y a, plus probablement, quelque
chose du dangereux et beau Lord Alfred Douglas dans
Charlie Morel) 1 .
L’opinion est assez répandue que Proust n’appréciait pas
Wilde. L’avait-il lu? On n’en a aucune preuve. Au moins
connaissait-il la citation se rapportant à Lucien de
Rubempré, ce qui peut laisser supposer qu’il avait au moins
lu une partie de ses essais. Il est presque certain, cependant,
qu’en diverses occasions, il l’ait ressenti comme un frère, au
moins comme un compagnon de route, et qu’il ait compati à
son sort, même si on ne sait rien de la réaction de Proust au
moment des procès et qu’il n’ait pas signé la pétition en
faveur du malheureux condamné (mais il n’avait sans doute
pas été approché, n’ayant encore aucune réputation
littéraire). Cependant, David Charles Rose, dans son livre
« Oscar Wilde’s Elegant Republic » rapporte le récit d’un dîner
chez Alphonse Daudet où Proust était invité avec les Palmers,
amis de Wilde. On en vint à parler du prisonnier et Proust
émit l’idée que celui-ci s’était battu contre tout ce qui était
stupide, que la loi qui l’avait condamné était aussi
anachronique que celle qui vouait les sorcières au bûcher. Et
la fille des Palmer, Gladys, à qui on doit ce récit, précise : « Il
fut consolé et sourit délicieusement quand Mère lui décrivit le
courage avec lequel Oscar Wilde affronta ses accusateurs. »
1 George D. Painter : Marcel Proust. A Biography. Vol 1. Londres – Chatto and Windus, 1959. Cité
par David Charles Rose : Oscar Wilde’s Elegant Republic – Cambridge Scholars Publishing - 2015
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