Rue des Beaux-Arts n°69 – Octobre/Novembre/Décembre 2019
Et c’est cette souffrance née de la différence et de la
clandestinité forcée qui leur confère à tous trois, émotion et
grandeur. Non seulement la souffrance des réprouvés, mais
celle des grands abandonnés. Proust aime Alfred Agostinelli
qui aime les femmes, Charlus aime Charlie Morel qui profite
de lui et le ridiculise, et Wilde aime Alfred Douglas qui l’aime
mais le détruit. Tous trois finissent abandonnés, livrés au
désespoir et à la solitude.
Proust a-t-il mis un peu de Lord Alfred Douglas dans le
violoniste Charlie Morel ? L’un et l’autre sont des artistes
(l’un poète et l’autre violoniste), tous deux sont jeunes et
beaux, tous deux sont égoïstes et exigeants. L’un et l’autre
seront la Némésis de leurs amants malheureux.
Alfred Agostinelli
Lord Alfred Douglas (Bosie)
Morel d’après David
Richardson
Dans sa biographie qui fait autorité, George Painter écrit :
« Possibly, there is a little of Wilde in Charlus ; and there is,
more probably, something of the dangerous, beautiful Lord
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