Rue des Beaux-Arts n°69 – Octobre/Novembre/Décembre 2019
dessinait quelquefois les tenues portées par Constance. Et
c’est bien entendu Wilde la référence de Proust quand
Charlus, dans « Sodome et Gomorrhe »,
s’exclame au beau
milieu d’une conversation sur Balzac : « Et la mort de Lucien!
Je ne me rappelle plus quel homme de goût avait eu cette
réponse, à qui lui demandait quel événement l’avait le plus
affligé dans sa vie : ‘La mort de Lucien de Rubempré dans
Splendeurs et Misères’ ». Cet homme de goût, c’est bien
évidemment Oscar Wilde qui écrivit dans un des ses essais 1
(comme Proust, il était un fervent admirateur de Balzac) :
« Une des plus grandes tragédies de ma vie fut la mort de
Lucien de Rubempré. C’est un deuil dont je n’ai jamais pu
complètement me remettre. ». Proust ne manquera pas
d’ailleurs de revenir sur cette affirmation incongrue (dont on
peut supposer qu’il s’agissait d’une boutade, tout en recélant
un fond de vérité) dans le chapitre consacré à Balzac dans
son « Contre Sainte-Beuve » : « Vautrin n’a pas été seul à
aimer Lucien de Rubempré. Oscar Wilde, à qui la vie devait
hélas apprendre plus tard qu’il est de plus poignantes
douleurs que celles que nous donnent les livres, disait dans
sa première époque (à l’époque où il disait : « Ce n’est que
depuis l’école des lakistes qu’il y a des brouillards sur la
Tamise » ) : « Le plus grand chagrin de ma vie ? La mort de
Lucien de Rubempré dans Splendeurs et Misères des
Courtisanes.
» Il y a d’ailleurs quelque chose de
particulièrement dramatique dans cette prédilection et cet
attendrissement d’Oscar Wilde, au temps de sa vie brillante,
pour la mort de Lucien de Rubempré. Sans doute, il
1 « Le critique comme artiste » - Intentions – 1891 – traduction 1905.
6