George M . Tarabulsy remarque en effet qu ’ entre le métro-boulot-dodo et les repas du soir à préparer , il ne reste plus beaucoup de temps pour le dialogue : « Imaginez un instant , et on sait que ce sont des choses qui arrivent , que les parents communiquent à leurs enfants , de toutes sortes de façons subtiles : “ Ce n ’ est pas que je ne t ’ aime pas , mais ce que j ’ attends de toi , c ’ est que tu ne causes pas un problème – parce que nous n ’ avons pas le temps de nous occuper de toi ”. »
Ces écarts entre les visions laissent aussi parfois chez le parent un doute quant à l ’ efficacité de sa manière de transmettre ses idées ou ses valeurs . Nancy Doyon évoque qu ’ à l ’ opposé , l ’ attitude d ’ un enfant plus obéissant , qui reconnaît le rôle protecteur de l ’ adulte et s ’ y appuie sans poser de questions , vient souvent le rassurer dans son rôle : « En grandissant , ça fait des enfants plus faciles à éduquer et à amener un peu partout , en visite , parce qu ’ ils ne bougent pas et ne dérangent pas . C ’ est gratifiant pour l ’ adulte . Et , quelque part , l ’ enfant sera souvent valorisé pour cela . Ce qu ’ il entend de la bouche des adultes , c ’ est : “ Il est donc bien tranquille !”, “ C ’ est un petit Bouddha !”, “ Ah qu ’ il est gentil ! Il est tout doux !”»
Des confrontations fructueuses
Certaines familles se sentent aussi mal à l ’ aise de faire subir à leur enfant le poids de leur désapprobation . Aux yeux de Nancy Doyon , celle-ci peut pourtant s ’ avérer très formatrice : « Si on ose , comme parents , lui faire vivre des inconforts à nos enfants , lui dire qu ’ on le désapprouve , que l ’ on n ’ est pas d ’ accord , tout en le laissant faire des choix et les assumer , il constate , à l ’ usure , que même lorsqu ’ il fait des erreurs ou des choix que nous désapprouvons , nous l ’ aimons quand même . »
Ce genre de divergence s ’ impose de plus en plus avec l ’ approche de l ’ adolescence . George Tarabulsy en a fait l ’ expérience et a pu constater que ce qui peut parfois ressembler à un dialogue de sourds permet néanmoins de pousser la réflexion de chacun beaucoup plus loin qu ’ il ne l ’ aurait cru , même si l ’ adolescent a claqué la porte … avant de se rendre , plus tard , à ses arguments .
D ’ accord , je t ’ écoute , mais …
À partir du moment où s ’ ouvre la boîte de Pandore du dialogue , chacun peut réclamer le droit d ’ être entendu et respecté dans ce qu ’ il affirme et ressent . Tout l ’ enjeu est alors de savoir où et comment tracer la ligne pour préserver la posture d ’ écoute tout en maintenant son rôle de parent . Pour ce faire , Jean-Pascal Lemelin suggère d ’ abord d ’ établir une distinction claire entre la liberté de s ’ exprimer et l ’ assurance d ’ obtenir gain de cause : « À partir de là , ce qu ’ il faut dire , c ’ est “ Tu peux continuer d ’ émettre ton opinion . Parfois on va être d ’ accord . Parfois ça va me faire plaisir , parfois pas .” Mais ce que le parent doit faire comprendre à l ’ enfant , c ’ est qu ’ il ne sera pas toujours en mesure de le satisfaire . On peut l ’ inviter à dire comment il se sent : “ Qu ’ est-ce qui s ’ est passé pour toi ? De quoi as-tu besoin ?” Le chercheur ajoute que cette posture ne fait pas qu ’ établir des règles en famille , mais prépare aussi l ’ enfant à mieux accepter le choc de la réalité partout ailleurs .
Nancy Doyon rappelle aussi l ’ avantage d ’ indiquer des règles a priori pour guider le dialogue . D ’ abord , pour bien faire comprendre à l ’ enfant que certaines façons d ’ exprimer son opinion sont acceptables alors que d ’ autres ( cris , injures …) ne le sont pas . Ensuite et surtout , elle encourage les parents à établir et à nommer le plus explicitement possible ce
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