Montréal pour Enfants vol. 24 n°3 / Été 2024 | Page 12

lumière clignotante de leur ordinateur leur remémorer les tâches à achever jusque dans la chambre à coucher . Éva Grenier- Lespérance suggère de déblayer ces espaces de tout ce qui rappelle le travail lors des heures prévues pour la liberté : « Alors , ça devient physique aussi , parce qu ’ on voit que ce n ’ est plus un espace de travail , mais en même temps , c ’ est psychologique , parce qu ’ on ne voit plus notre travail qui est devant nous et qui nous rappelle ce que l ’ on aurait dû faire , ce qui nous rendrait moins disponibles pour jouer avec notre enfant . »
Des dialogues en perspective
Une saine gestion de la planification suppose de se donner les moyens de gérer le plus possible les situations en amont .
Selon Corinne Vachon Croteau , des règles claires s ’ imposent donc , autant en ce qui a trait à l ’ indisponibilité du parent qu ’ aux autres sources de frictions possibles , comme la gestion des écrans ou l ’ invitation des amis : « Par exemple , je peux accorder que l ’ ami , c ’ est permis seulement en avant-midi et seulement deux amis à la fois , afin de garder un certain équilibre dans la maison . »
Mais , selon toutes les chercheuses et intervenantes rencontrées , s ’ entendre avec les enfants est loin de suffire . Des données probantes prouvent que l ’ entente sur la répartition de l ’ espace , mais aussi des tâches entre les conjoints , joue un rôle direct sur la satisfaction en télétravail . Le télétravail peut donc accroître ce sentiment d ’ iniquité , surtout si seul l ’ un des conjoints est en télétravail ou que l ’ un juge que son travail exige davantage de lui-même que l ’ autre . Les recherches de Diane-Gabrielle Tremblay tendent surtout à démontrer que la difficulté de lâcher-prise , notamment du côté des mères , alimente aussi souvent cette discorde : « Les anglophones vont parler de “ mother gate keeping ” : moi , je sais bien faire , moi je sais bien choisir les vêtements , moi je sais mieux … »
D ’ ailleurs , tous les experts constatent que les parents se mettent de plus en plus de pression pour jouer parfaitement leur rôle , ce qui laisse place à un sentiment de culpabilité , si les enfants semblent s ’ ennuyer . Certains parents vivent plus difficilement le fait de devoir laisser les enfants s ’ occuper seuls , ce qui , selon Ève Pouliot , oblige également à résister à la pression sociale : « Dans notre société , on a l ’ impression que si nos enfants s ’ ennuient , quelque part , on a raté quelque chose , parce que c ’ est comme si ça allait à l ’ encontre des valeurs sociales dominantes , axées sur la productivité . Lorsqu ’ on voit notre enfant s ’ ennuyer , on se dit parfois qu ’ on n ’ est pas compétent dans notre rôle de parent . »
Être bienveillant avec soi-même signifie aussi , de l ’ avis de Diane-Gabrielle Tremblay , de décrocher des clichés du parent télétravailleur idéal et d ’ admettre que , dans certains cas , surtout avec les enfants plus jeunes , la situation peut n ’ être satisfaisante pour personne : « Parfois , dans les médias , j ’ ai vu des photos de femmes devant un ordinateur avec un bébé sur les genoux et un autre de trois ans , juste à côté : il ne faut pas se raconter d ’ histoire : ce n ’ est pas vraiment possible de travailler comme cela ! […] Jusqu ’ à cinq ou six ans , le souhait de l ’ enfant est davantage que son parent soit présent et interagisse avec lui , à partir du moment où il le voit à la maison . »
Des solutions concrètes pour l ’ ère virtuelle
Afin d ’ éviter que la situation ne devienne explosive , il existe d ’ autres solutions que de se réfugier sur le balcon avec une connexion intermittente . Voici celles de nos expertes et télétravailleuses .
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