Montréal pour Enfants vol. 23 n°4 / La Rentrée 2023 | Page 22

Olivier Didier affirme même que « l ’ empathie fonctionne main dans la main avec le développement de l ’ attachement à la figure de soins et aux parents ». Émilie Girard insiste davantage sur le fait que c ’ est dans le cocon familial que l ’ enfant développe la base nécessaire de régulation des émotions : « Lorsqu ’ il va faire ses expériences sociales comme celle de la garderie de l ’ école , il aura des fondations solides . »
Les épreuves rencontrées contribuent alors à la stabilité , lorsqu ’ elles ne dépassent pas ce que l ’ enfant est capable de supporter . Les experts n ’ en viennent d ’ ailleurs pas à la conclusion qu ’ il faut empêcher les enfants de se frotter aux réalités qui s ’ imposent à eux , même les deuils , mais plutôt de les accompagner dans ce processus . Carole Lane ajoute : « Un individu qui est parti avec les bonnes bases a plus de chances de retomber sur ses pattes , d ’ être résilient , d ’ aller chercher de l ’ aide , de comprendre qu ’ il ne va pas bien ou que l ’ autre , à côté de lui , ne va pas bien . »
Maîtriser le « oui , mais … »
Les enfants connaissent donc des sentiments parfois inconfortables , même à la maison . Cependant , la plupart des parents en ont bien conscience et appréhendent d ’ étouffer leurs enfants par des consignes trop sévères . Pourtant , ne sont-ils pas aussi les mieux placés pour aider leurs enfants à trouver leur équilibre entre leurs besoins et ceux des autres ? Il est vrai que certains comportements de convivialité élémentaire qui vont de soi pour un parent peuvent prendre l ’ enfant au dépourvu , en ne lui laissant que le vague sentiment d ’ avoir mal agi . C ’ est le cas , entre autres , lorsqu ’ on demande aux enfants « d ’ être gentils ». Émilie Girard suggère de troquer une telle consigne contre une autre qui serait beaucoup plus précise , comme d ’ attendre qu ’ un adulte ait fini de parler ou de prêter son jouet à un ami .
Vincent Bégin propose plutôt , si possible , de passer par quelques questions , bien orientées , pour interpeller le sentiment d ’ empathie chez l ’ enfant : « Si en le faisant , j ’ explique à mon enfant : ‟ Quand tu lui as pris son jouet , elle n ’ avait pas terminé . Elle ne s ’ attendait pas à cela . Toi , te souviens-tu lorsque Thomas a enlevé ton jouet à la cour de récréation , la semaine passée ? Comment t ’ es-tu senti ? Avais-tu de la peine ? Est-ce que ça se pourrait que la petite Alice ait éprouvé de la peine , de la même façon ? ”»
La psychologue Carole Lane précise toutefois qu ’ il vaudrait mieux se montrer prêt à admettre que la réaction de l ’ enfant peut reposer sur une cause bien réelle , pour que cette mention des besoins des autres ne joue pas un rôle trop inhibiteur . Ce comportement qui dérange mérite parfois aussi notre intervention : « Admettons , par exemple , que l ’ enfant dit ‟ Je suis tannée de mon petit frère , il est toujours en train de me mordre . ” Et que le parent lui répond ‟ Il est petit et toi tu es la plus grande , il faut que tu sois gentille ”. Ça , c ’ est un classique . À ce moment , on applique une recette sans avoir identifié le bon problème . »
Un soupçon de culpabilité
De même , Olivier Didier croit qu ’ un parent peut tout à fait comprendre la frustration de son enfant devant une consigne : « Le parent dirait ‟ Tu n ’ as pas envie de faire cela . Tu me dis non . Je te demande une consigne et tu ne veux pas .” Donc , le parent reconnaît ce que l ’ enfant lui dit . Cela ne veut pas dire qu ’ il l ’ accepte , mais il reconnaît ce que son enfant exprime comme étant légitime , comme quelque chose qui vient de lui . »
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