La voie royale de la reconnaissance
Lorsque l ’ on prend le temps de s ’ arrêter , de nommer une émotion , de lui donner le droit d ’ exister , on élargit le répertoire de référence des enfants , relate Olivier Didier , de l ’ Université de Sherbrooke : « C ’ est aussi comme cela que l ’ empathie se développe : il faut que quelqu ’ un ait déjà été empathique envers nous et se soit imaginé ce que nous pouvions ressentir , et ait ressenti une partie de ce que nousmêmes ressentions et nous la remette en disant ‟ Moi , ce que je comprends de toi , c ’ est que tu ressens cela ”. »
Par une telle attitude d ’ écoute et de reflet de ce qu ’ il ressent , l ’ enfant apprend à reconnaître ses émotions , et qu ’ il a aussi le droit de les vivre , même lorsqu ’ elles sont tristes ou colériques . Ainsi , par l ’ accueil chaleureux qu ’ il peut recevoir , l ’ enfant arrive à observer , chez son interlocuteur , ses premiers modèles d ’ empathie , qui pourront guider son propre agir , explique Vincent Bégin , professeur au département de psychoéducation , Université de Sherbrooke : « Si on peut faire preuve d ’ empathie devant un enfant , que ce soit à son endroit ou à l ’ endroit de quelqu ’ un d ’ autre , on l ’ aide à intégrer certains codes sociaux sur les façons d ’ interagir , sur le fait que c ’ est important de prendre soin des autres , de se soucier de comment vont les autres . Bien sûr , cette chaleur lui fait voir , sur le plan affectif , à quel point cela peut être agréable que quelqu ’ un soit sensible à notre endroit , mais sur le plan cognitif aussi : ça lui fait voir un exemple de façon dont on peut s ’ y prendre et ça fait voir aussi la réaction de l ’ autre . »
Vincent Bégin suggère que le reflet et même la comparaison entre ce que vit l ’ enfant et ce que peuvent ressentir , de temps en temps , papa ou maman , ou un autre modèle , aideront l ’ enfant à comprendre que ressentir une émotion , même désagréable , n ’ est ni interdit , ni dramatique . Ces observations contribuent aussi à faire passer la nuance entre l ’ émotion et la réaction , parfois impulsive et proscrite , qui peut s ’ ensuivre : « Moi , personnellement , j ’ ai des enfants . Et je leur dis ‟ Moi aussi , je peux être fâché parfois . C ’ est normal .” »
D ’ abord , être là
Si ce grand modèle peut guider l ’ enfant , lui expliquer ce qu ’ il devait ressentir , à partir de notre réalité d ’ adulte , il ne suffit pas . La psychologue Carole Lane suggère plutôt de se remettre à hauteur d ’ enfant pour comprendre ce qui apparaît comme une catastrophe , du haut des trois , quatre ou huit ans de l ’ enfant : « Si je regarde seulement cela avec mon regard d ’ adulte et que je me dis qu ’ un enfant qui tombe du vélo , ce n ’ est pas grave , je n ’ aide pas mon enfant . Je suis invalidant . On peut tous l ’ être un peu , des matins où il faut aller à l ’ école et que l ’ on est en retard . Mais la question c ’ est de savoir si c ’ est un mode de relation que l ’ on a . »
En ce sens le modèle d ’ empathie que l ’ on offre ne dépend pas seulement de la capacité à comprendre son enfant , elle dépend aussi de la façon de rester disponible à ce que l ’ autre ressent , même si on est moins disposé ou disponible , selon Vincent Bégin : « Lorsqu ’ on ne prend plus le temps de s ’ accroupir en face de l ’ enfant et de lui demander ‟ Comment ça va ? Qu ’ est-ce que tu as fait aujourd ’ hui ?”, on ne contribue pas au développement de l ’ empathie . »
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