POUR NE PAS PERDRE LA TRACE DE L ’ IMAGINAIRE
Après avoir appris ces bienfaits associés à l ’ imaginaire , des parents craindront peutêtre de provoquer sa fuite , à force de rappels à la réalité . Cependant , assurent les chercheurs , l ’ imagination , parfois plus discrète , a la vie plus dure qu ’ on le pense .
Imaginer : un réflexe de base
Les chercheurs s ’ entendent tous sur le fait que l ’ aptitude à déployer son imagination est loin de ne se cultiver que chez les futurs Fred Pellerin ou Félix Leclerc . Rares sont les enfants , rappelle Pierre Laurendeau , qui échappent , par exemple , à la tentation de faire une tente avec un drap dans la maison , pour y créer leurs aventures . Mélissa Paquette affirme également que les enfants devraient être capables de telles fantaisies , mais le plaisir qu ’ ils prennent ou non à utiliser cette voie pour illustrer leur monde intérieur peut varier . « Un enfant devrait avoir cette capacité de jouer , de faire semblant , même s ’ il aime moins cela . S ’ il n ’ est pas capable , il y a un problème . »
En effet , des limitations psychologiques , comme l ’ autisme , amènent les enfants à reproduire de façon moins fantaisiste et relationnelle et plus rigide et répétitive leurs gestes quotidiens . Maria Riccardi incite cependant les adultes à ne pas trop s ’ inquiéter et à faire preuve de patience devant les rituels que s ’ imposent les enfants , souvent pour se donner un sentiment de contrôle et réduire l ’ anxiété , avant de se lancer au pays des licornes , un lieu auquel nous n ’ accédons pas sur demande . « Réécrire , reclasser , c ’ est un acte proprioceptif . C ’ est un besoin . Nous avons plusieurs niveaux de notre être et , parfois , nous avons besoin de temps avant de passer à un autre niveau . Il faut explorer le précédent jusqu ’ au bout . C ’ est comme l ’ histoire de quelqu ’ un en thérapie : on conte peut-être huit fois la même histoire , puis tout à coup , on change la fin . »
Mélissa Paquette et Maria Riccardi s ’ entendent sur le fait que la maladresse parentale passagère est loin de faire fuir l ’ imagination à tout jamais . Même lorsque les jeunes d ’ autrefois se retrouvent à assumer des responsabilités d ’ adultes ou à affronter des réalités qui , en apparence , ne laissent que peu de place aux rêves , l ’ imagination peut prendre d ’ autres formes , adaptées ou même stimulées par les circonstances , soutient Maria Riccardi . « J ’ ai été un peu partout dans le monde : en Lituanie , à Cracovie , dans des endroits où il s ’ est passé des choses vraiment très difficiles . Étonnamment , même dans ces contextes , les gens ont trouvé le moyen d ’ être créatifs . »
Une question de flexibilité
Parmi les facteurs qui pourraient amener les enfants à faire appel moins spontanément à leur imagination , Pierre Laurendeau nomme la tendance d ’ un adulte à couper court aux explorations ou aux suggestions des enfants , dans une attitude qui suscite davantage l ’ obéissance que la compréhension des diverses facettes d ’ une même réalité . « Lorsque quelqu ’ un me dit “ Si tu ne fais pas comme moi , tu n ’ es pas correct ”, il tue l ’ imagination . Parce qu ’ il dit en même temps à l ’ autre : “ Ta façon d ’ être à toi , dans le monde , ça ne fonctionne pas ”. »
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