Même sous le prétexte du jeu ou de l ’ art , les scénarios restent des démarches dont , d ’ une façon ou d ’ une autre , le créateur demeure le héros . Et les émotions que l ’ on partage continuent à refléter la rencontre bien réelle de celui ou de ceux qui les mettent en scène . Qui plus est , lorsque l ’ imaginaire passe à l ’ acte , il permet aux images d ’ être accueillies par un autre regard et de trouver une nouvelle place dans le monde . « Cela signifie une façon de se raconter », explique Maria Riccardi .
L ’ art de se raconter
Il ne s ’ agit plus seulement ici de dénicher une réponse , mais d ’ en chercher une qui corresponde à son histoire , qui prend sens à travers son univers personnel de chair et de sensations . Ainsi , d ’ après Pierre Laurendeau , il existe tout un monde entre les réponses que l ’ on trouve aisément sur Internet ou que doivent connaître les enfants pour l ’ école et celles qui supposent que l ’ on s ’ y investisse , ne serait-ce que par ses souvenirs . Elles peuvent aussi passer par des livres ou d ’ autres fictions amenant à faire appel à ses propres images , suggère ce professeur de philosophie . « Et si les enfants n ’ ont pas eu de lieu où ils peuvent discuter de cela , où leur questionnement lui-même a du sens , ils n ’ auront plus envie d ’ apprendre . Ils vont essayer d ’ aller chercher un diplôme le plus facilement possible et , dans le fond , ils vont s ’ ennuyer . »
Ce n ’ est d ’ ailleurs pas d ’ hier que l ’ on reconnaît l ’ utilité de l ’ imagination et des récits pour aborder des états d ’ âme qui nous chicotent . L ’ usage des contes de fées , à cette fin , a fait ses preuves . Mais
Pierre Laurendeau affirme que l ’ appel à l ’ imaginaire de ces récits va plus loin que la simple évocation . Observer l ’ objet de sa peur comme quelque chose à l ’ extérieur de soi permet de faire le tri entre ce qui fait du bien , et que l ’ on compte garder , et les craintes irrationnelles qui agissent à notre insu . « Dans les contes de fées , c ’ est aussi un peu ce que l ’ on fait : on avait les enfants avec leur peur des monstres ou leur peur qu ’ il y ait quelque chose en dessous du lit , qui sont une invention de l ’ esprit de plusieurs enfants . En leur racontant des contes de fées , nous les aidons à structurer ce qu ’ ils ont imaginé . »
Mélissa Paquette observe que le prétexte du jeu permet également aux enfants d ’ oser aborder leurs zones d ’ ombres . L ’ intervenante explique que les parents peuvent s ’ impliquer dans cette démarche par laquelle leur enfant tente de maîtriser ses craintes à petites doses , en alternant les répétitions et les moments qui rassurent . « Je pense à des parents jouant avec leurs enfants et qui leur disent : “ Je suis un monstre et je vais t ’ attraper !” L ’ enfant rigole et trouve cela hilarant . Le parent s ’ approche et , à un moment donné , l ’ enfant se met à avoir vraiment peur . On voit dans le visage de l ’ enfant que l ’ émotion devient trop forte . Et , là , le parent arrête et dit : “ Bien non , c ’ est terminé !” C ’ est la façon pour les parents de leur dire : je suis moi . »
Et ce qui est merveilleux dans ce processus , renchérit Mélissa Paquette , c ’ est la possibilité qu ’ il offre aussi à l ’ enfant de clore l ’ aventure lorsqu ’ il a l ’ impression d ’ en avoir fait le tour .
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