Montréal pour Enfants vol. 22 n°3 / Été 2022 | Page 8

névrose avant même le début des vacances . De la folie , quoi , du grand paradoxe ! Cette frénésie s ’ est répétée deux étés , au terme desquels nous nous sommes retrouvés épuisés , désabusés du régime insensé que je nous imposais .
C ’ est ainsi que , me questionnant sur la pertinence de cette agitation , je me suis remémoré les vacances de mon enfance . Je suis issue d ’ une famille où les vacances d ’ été rimaient avec farniente , ennui et liberté . Nous étions une famille lambda composée de parents travailleurs subvenant aux besoins de leurs quatre enfants . Or , pendant que chaque été ma BFF était à la mer , suivait des cours de piano et que les voisins étaient partis visiter d ’ autres régions ou participaient à des camps de jour , il n ’ y avait rien au programme de l ’ été pour ma fratrie . Dès la fin des classes , je me promenais dans une rue désertée . Les premiers jours , je me morfondais ferme : j ’ errais avec ma solitude et ruminais mon triste sort .
Vite lassée de ce manège dont personne ne faisait grand cas , je me laissais doucement happer par cette rue fantomatique certes , mais qui n ’ appartenait désormais qu ’ à moi . Enfin face à moi-même , je m ’ inventais des activités et j ’ oubliais le monde pour m ’ absorber dans le présent , sans structure précise , au gré de mes envies et inspirations . Bénéficiant d ’ une surveillance parentale décontractée , je me suis mobilisée : j ’ ai investi la cour arrière et le balcon avant , j ’ ai bricolé et joué seule . Jusqu ’ à ce que j ’ aperçoive la balançoire dans la cour du voisin : il est devenu l ’ ami avec qui j ’ ai touché le ciel et joué au roi de la montagne sur une pile de roches . Ensemble , nous avons été à la rencontre d ’ autres enfants du quartier pour partager des jeux , improviser des spectacles , visionner des films et reconstruire le monde . C ’ était ma bande de l ’ été . Voilà comment j ’ ai découvert de nouveaux horizons , noué des liens avec des complices improbables et repoussé mes frontières . J ’ ai pu prendre mon temps pour entreprendre mes propres explorations , car on m ’ en a laissé le temps . Quelle belle façon de dire bonjour à la liberté de l ’ imprévu et de grandir à son rythme !
Réconfortée par ces tendres souvenirs , j ’ ai par la suite adopté ce programme qui n ’ en est pas un et , les années subséquentes , nous avons vécu des vacances familiales tout en lenteur et spontanéité . Chacun adoptait son tempo , tous singulièrement en harmonie . C ’ est peut-être la définition de se la couler douce , finalement . À la fin de l ’ été , stupéfiée , j ’ ai mis au recyclage les pantalons trop courts , les souliers étroits et les gilets aux manches rétrécies . Mes enfants avaient indéniablement grandi , dans tous les sens du terme .
[ 1 ]
Kids grow taller in holidays than school term says scientist
[ 2 ]
Life on holidays : study protocol for a 3-year longitudinal study tracking changes in children ’ s fitness and fatness during the in-school versus summer holiday period
6 édito www . montrealpourenfants . com