Montréal pour Enfants vol. 21 n°1 / Relâche 2021 | Page 4

Et si on arrêtait de chialer ?

Par Anik Routhier
2020 n ’ a pas été une année comme on l ’ aurait voulue . Le stress et l ’ anxiété grimpent , tant chez les enfants que chez les adultes . Mais si nous en étions un peu responsables ? J ’ ai parfois l ’ impression que c ’ est notre besoin de contrôle qui est à la base de nombreuses réactions négatives . Les choses ne sont pas comme nous le souhaiterions , cette année plus que jamais , et voilà que le stress monte , et voilà le chialage qui se fait entendre … Depuis un an , la grogne s ’ avère de plus en plus présente , pas seulement à cause de la pandémie , mais pour toutes sortes de raisons , parfois bonnes , parfois discutables . Les médias me donnent l ’ impression de vivre dans une société de chialeux . Je m ’ inclus là-dedans , car j ’ ai bien du talent à cet égard , particulièrement sur la route et dans les files d ’ attente .
Pourtant , certaines personnes n ’ ont pas cette propension à la critique ou à l ’ objection . Je côtoie quelques spécimens rares qui ont cette chance : mes enfants ! En effet , étonnamment , mon trio est beaucoup moins chialeux que moi . Bon , il y a la petite dernière qui manque parfois d ’ enthousiasme et qui ose se plaindre si le même repas revient trop souvent au menu , mais de manière générale , mes enfants sont assez souples et adaptables ; ils acceptent ce qui arrive sans broncher . Je les envie presque ( d ’ accord , j ’ avoue , je les envie vraiment ).
En chialeuse que je suis , comment ai-je réussi à élever des enfants si adaptables ? En fait , ils ont probablement bénéficié de mon absence de tolérance pour devenir , justement , très souples . En somme , je les ai mis très petits dans des situations où ils n ’ avaient pas d ’ autres choix que d ’ accepter ce qui leur arrivait ( car c ’ était moi qui décidais , un point c ’ est tout ). Une approche pas très démocratique , j ’ en conviens , mais qui a eu l ’ avantage de faire comprendre à mes enfants qu ’ ils n ’ avaient pas de contrôle sur tout . Parfois la vie , « c ’ est comme ça … ». Rien à dire . Rien à négocier .
Je regarde mes enfants devenus adolescents aujourd ’ hui , et leur capacité d ’ adaptation me plaît . Ils ne s ’ offusquent pas pour un oui ou pour un non . Ils ne montent pas aux barricades pour une remarque politiquement incorrecte . Ils sont zen alors que moi , je suis encore en train d ’ imaginer que j ’ ai du pouvoir sur ma vie , sur ma maisonnée , sur la vitesse de la file de ski , sur le trafic , sur mon conjoint , sur l ’ alignement des astres ... Ça me crée plus de frustrations et de stress qu ’ autre chose , mais ça a le mérite de bien faire rire mes deux meilleurs amis ! ( Je salue d ’ ailleurs ici leur patience et leur écoute exceptionnelles ).
Bien que 2020 soit derrière nous , le retour à la « réalité d ’ avant » ne s ’ annonce pas de sitôt . En fait , notre quotidien ne sera probablement plus jamais le même , et le changement fait inexorablement partie de la vie . Il vaudrait mieux avoir la sagesse de l ’ accepter . Comme parent , nous pouvons sûrement aider nos enfants à acquérir cette habileté fort utile qui consiste à distinguer ce qu ’ ils contrôlent de ce qui ne dépend pas d ’ eux . J ’ aurais bien aimé qu ’ on m ’ aide à développer cette capacité étant jeune , ce qui rendrait ma vie adulte plus agréable .
En 2021 , je souhaite imiter davantage mes enfants et me répéter plus souvent que la vie , « c ’ est simplement comme ça ». J ’ espère y arriver aussi bien qu ’ eux , et apprendre de ces maîtres …
4 édito www . montrealpourenfants . com