Montréal pour Enfants vol. 20 n°4 / La rentrée scolaire 2020 | Page 20
ET NOUS, DANS TOUT ÇA ?
Et bien sûr, lorsque la famille s’agrandit
et que la pression monte, le soutien du
conjoint peut jouer un rôle crucial. Pourtant,
il est assez commun de reconnaître
que, là aussi, la transformation des rôles
entraîne son lot de culpabilité, surtout pour
les femmes, remarque Mélanie Bilodeau :
« Tout dépend comment l’autre partenaire
va percevoir la situation. C’est sûr
qu’il y a un peu de pression qui est mise
sur l’autre partenaire, entre autres sur le
plan sexuel, parce que ça prend un peu
le bord, durant les premiers mois, voire les
premières années, avec les changements
hormonaux, l’adaptation à la parentalité et
la charge mentale. Les femmes sont donc
moins disposées à la sexualité et il peut y
avoir une culpabilité, parce qu’elles sentent
la pression du conjoint et qu’elles ne sont
pas à la hauteur. »
Et la culpabilité des parents déborde donc
facilement de la simple dyade parents-enfants.
Daniela, une maman de la Maison à
Petits Pas, reconnaît, par exemple, s’être
également sentie coupable de ne pas parvenir
à garder du temps pour elle afin de
recharger ses batteries en bonne compagnie,
comme tout un chacun semble
le recommander, et revenir en force, plus
patiente et reposée, auprès des siens.
Comme beaucoup de mamans, elle s’est
plutôt confrontée aux difficultés de se plier
au rythme de ses proches et à un réseau
qui s’étiole : « Je ne peux pas me diviser
en deux : j’ai mon enfant toujours avec moi
et, ce temps-là, je ne l’ai plus pour autre
chose. J’essaie de garder les vrais amis
que j’ai. Mais même avec eux, c’est difficile,
parce que juste aller prendre un café,
souvent, c’est avec lui aussi. Tu ne peux
pas parler comme tu le faisais avant, parce
que ton bébé te sollicite. C’est juste un
autre type de vie. »
PASSER DE « CAPABLE »
À « COUPABLE »
Le fait de ne pas se sentir disponible et
compétent en tout temps ouvre alors la
porte aux sentiments coupables. Annie
Paquet, agente de communication de la
Maison à Petits Pas et éducatrice depuis
plusieurs années auprès des enfants d’âge
préscolaire, dit s’être sentie plus sûre d’elle
et moins prompte à se faire des reproches
la première fois que l’on a mis son bébé
dans ses bras; mais elle a senti la culpabilité
reprendre ses droits, lorsque ses enfant
sont arrivés en âge d’entrer à l’école :
« C’est à ce moment-là que j’ai eu l’effet
de nouveauté. Alors, maintenant, parfois,
je me sens coupable. »
D’autres facteurs représentent un terreau
fertile aux remises en question, comme le
fait de se sentir peu sûr de l’héritage de
parentage reçu de ses parents. Mélanie Bilodeau
l’observe chez plusieurs nouveaux
papas, qui souvent souffrent du manque
de modèle paternel à suivre. Elle explique
qu’il en résulte parfois de cuisants sentiments
de culpabilité et d’incompétence,
lorsqu’ils voient leur enfant préférer se faire
apaiser par leur mère. La pression que se
mettent ou que se font imposer les mères,
dans une logique d’empowerment, à assumer
pleinement leur rôle d’expertes ne les
épargne pas non plus, admet Mélanie Bilodeau,
qui a intitulé son dernier livre Soyez
l’expert de votre bébé.
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psychologie
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