Montréal pour Enfants vol. 20 n°1 La relâche scolaire 2020 | Page 4
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Lettre à mon aîné
Par Anik Routhier
On dit que nos enfants nous perçoivent tels que nous sommes. Qu’importe ce que l’on dira, ils
nous voient évoluer, ils sentent nos vibrations, qu’elles soient positives comme la joie ou la bonne
humeur, ou négatives et imprégnées de stress, de colère ou de tristesse. Je crois alors que de se
révéler, bien humblement, comme parent avec ses forces et ses limites, c’est une façon d’aider nos
jeunes à avoir une relation sincère et intègre avec nous. Cela ne les empêchera pas d’avoir préféré
que nous soyons ou agissions autrement, mais cela les aidera à faire la paix avec leur vécu familial.
Faute avouée est à moitié pardonnée… Voici donc ce que j’aimerais dire à mon aîné…
Cher aîné,
Je sais que c’est direct (tu me connais), mais je voudrais te dire que je suis désolée que tu aies eu la « mal-
chance » d’être le premier de mes enfants. C’est une mère sans expérience dont tu as hérité, avec ses idées
préconçues sur ce que devait être la maternité, sur ce qu’une mère devait faire, et aussi, je l’avoue, sur ce
qu’un enfant devait être. Dans ma tête de fille unique, les enfants ressemblaient à ce que moi j’avais été étant
petite. Je n’avais pas d’autre référence que moi-même. Je t’ai donc voulu à mon image et je t’ai imposé certains
choix qui, je te l’accorde, n’auront pas toujours été les meilleurs pour toi.
J’ai été impatiente avec toi. Exigeante. Tu portais sur tes épaules le poids de l’aîné, de celui qui se doit d’être
parfait, à la hauteur. Tu portais en plus l’odieux de m’avoir créé le choc de la maternité et de la liberté envolée.
Le choc du sommeil qui ne sera plus jamais le même, ni aussi profond, ni aussi long. Le choc des obligations
décuplées. Le choc de vouloir bien faire sans trop savoir comment. Si tu savais comme j’ai trouvé difficile de
devenir mère, tu comprendrais que ma manière d’être n’était qu’un cri du cœur, qu’une rébellion contre une
situation que j’avais certes choisie, mais qui n’était pas comme je l’avais imaginée.
Avec le temps, je me suis calmée. Tes sœurs n’ont pas eu la même mère que toi. C’est le bébé de la famille
qui a eu, à mon avis, la meilleure mère, une mère plus posée et chaleureuse, qui encadre, mais reste souple,
capable de vivre et de laisser vivre, et plus disponible (même si mon temps pour moi a toujours été sacré, ça
vous le savez tous). J’aurais voulu que tu aies cette mère dès le départ. Tout de même, toi et tes sœurs avez
eu une mère semblable en ce qui concerne l’autonomie et la créativité, car cela, je vous l’ai transmis naturel-
lement à tous. Mon sens de l’organisation aussi, à ma grande surprise, puisque vers 11 ou 12 ans, ta sœur et
toi vous êtes métamorphosés. J’attends toujours que la benjamine en fasse autant…
Enfin, tout cela pour te dire, mon aîné, que j’espère ne pas t’avoir trop troublé. J’ai fait ce que j’ai pu et je te
demande de me pardonner mes erreurs. Je t’aime et je te souhaite tout le bonheur du monde…