Montréal pour Enfants vol. 19 n°6 Hiver 2019 | Page 24

24 psychologie www.montrealpourenfants.com Le conseil : un projet mobilisateur Faute de mener à des consensus, les conseils de famille aident donc les familles à s’orienter vers des compromis acceptables. Mais, surtout, ils permettent à l’enfant d’apprendre que sa voix mérite d’être entendue. De tels préludes peuvent contribuer à maintenir la relation de confiance et à mieux tolérer les frustrations. Et, en prenant conscience de cette capacité à en venir à une entente, chacun mesure mieux l’impact positif que ses choix peuvent avoir sur les autres et la suite des événements, ce qui, ajoute André Perron, prépare aussi la voie à l’autonomie : « Cela aide l’enfant à prendre sa place. Il peut donner des suggestions. Il est important. On tient compte de lui. Il apprend à négocier et à écouter. Il apprend à formuler son opinion. Il apprend comment se bâtit un consensus et comment faire équipe. Il apprend aussi le respect de la hiérarchie. Il voit là où il peut décider ou ne le peut pas. Parfois, les parents peuvent aussi se ranger à l’idée de l’enfant. » Le conseil de famille permet donc de cumuler les petites victoires. En revanche, il confronte aussi plus directement toutes les parties prenantes à un sentiment d’échec, voire de culpabilité, puisqu’il suffit parfois de quelques gouttes de pluie ou d’une première neige pour que la balade dans les bois, sur laquelle tous s’étaient entendus, ne soit plus aussi idyllique que prévu. En ce sens, Geneviève Mageau souligne que la décision prise en commun amène aux parents des responsabilités et aux enfants des possibilités supplémentaires d’apprentissage, quant à la façon d’accepter la suite des choses : « C’est sûr que les enfants nous regardent faire et si on accuse celui qui a pris une mauvaise décision, même si c’est un adulte, ils vont se sentir plus coupables que si on dit qu’à ce moment-là ça semblait la meilleure décision. » Mais tous ne sont pas portés à croire que la culpabilité, ou du moins le regret devant un mauvais choix, ne comporte que des désavantages. Ils peuvent même, selon Carl Lacharité, devenir de bons conseillers, à condition de rappeler aux enfants qu’ils ne sont pas les seuls à porter la responsabilité de la décision qu’ils ont prise : « Ils peuvent se sentir coupables et c’est correct qu’ils l’expriment et fassent en sorte que l’on tire des leçons de ça, pour que la prochaine fois, on prenne d’autres genres de décisions, comme celle de tenir compte des risques qui peuvent accompagner ce genre de situation. On vient de s’apercevoir que l’on n’a pas tenu compte d’un risque à ce moment-là. Mais les parents non plus n’y ont pas pensé. » Nathalie Parent sait très bien aussi que ces décisions en famille ne sont que l’infime partie d’un tout. Elle voit d’ailleurs beaucoup d’adolescents presque anéantis par l’angoisse, au moment des décisions inévitables, comme le choix de leur programme d’études. L’occasion de prendre des décisions dans une atmosphère chaleureuse, où l’on se sent protégé, et de constater que certaines déceptions peuvent se solder par des gestes de solidarité, lui paraît donc une belle leçon qui pourrait faciliter ce parcours, bien avant la fin du secondaire : « Donc, je pense que c’est important qu’il y ait des choix, mais aussi que l’enfant soit accompagné là-dedans. On ne dit pas seulement : “Tu as fait le choix”. On dit : “Nous avons fait le choix ensemble. Il pleut. C’est dommage. Si on avait su, on aurait peut-être fait autre chose. Mais on ne savait pas et on a fait ce choix. Et dans un choix, il y a des renoncements à faire. On a renoncé à l’autre possibilité. Alors, comment pouvons-nous avoir du plaisir maintenant ?” » Merci à : Geneviève Mageau, professeure et chercheuse au département de psychologie de l’Université de Montréal André Perron, thérapeute conjugal et familial, formateur et membre de OTSTCFQ Carl Lacharité, psychologue et professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières Nathalie Parent, psychologue et chargée de cours à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval nathalieparentpsychologue.com Nathalie Parent est également auteure de Enfants stressés ! Tout ce qu’il faut savoir pour aider votre enfant à grandir sereinement, et La famille et les parents d’aujourd’hui.