Montréal pour Enfants vol. 19 n°6 Hiver 2019 | Page 22

22 psychologie www.montrealpourenfants.com Naturellement, les débordements n’apparaissent pas toujours de façon prévisible et contrôlée. Certaines réactions peuvent mettre la discussion en péril. Nathalie Parent n’y perçoit pas forcément un signe d’échec, mais plutôt une indication qu’un élément qui a peut-être échappé aux parents vaudrait la peine qu’ils s’y arrêtent : « On peut se demander ce que l’on a dit ou fait juste avant, qui aurait pu amener cette réaction. Alors là, ça dépend de notre capacité à réfléchir sur nous et sur l’ensemble de la situation. On peut aussi demander aux jeunes : “Est-ce possible que cette question t’ait dérangé ?” » Et si les complications mènent la rencontre à l’impasse, Carl Lacharité indique que le rôle des parents est de le reconnaître, puis d’aller à la pêche à l’information, afin de trouver les façons d’améliorer les choses, la prochaine fois : « Et là, on va la préparer ensemble. Et cela peut vouloir dire que papa et maman vont aller voir à tour de rôle tous les enfants pour aller explorer ce qui se passe pour chacun et ce que ça signifie pour eux. Quelles seront les répercussions dans leur vie ? Qu’est-ce que ça représente comme responsabilités à prendre ? Il peut y avoir des conversations qui préparent le terrain. Alors quand on se retrouve à nouveau, on a le droit d’admettre que la précédente rencontre a été un échec. » Une forme propice à l’écoute Poursuivre cette introspection pourrait mener à remarquer que le mécanisme de défense qu’emprunte alors l’enfant revient de façon récurrente. Dans ce cas, l’intervention sous forme de conseil de famille est loin d’être celle que privilégierait Nathalie Parent : « Pour une difficulté chez un jeune qui a tendance à s’opposer depuis un bon bout de temps, ça ne fonctionnera pas. Dans ce cas-là, c’est tout le système familial qu’il faut revoir. » Attendre les conseils de famille pour tout régler ou les brandir comme une menace de procès constitue d’ailleurs une des pires façons de les utiliser qu’André Perron puisse imaginer : « On n’utilise surtout pas le conseil en disant : “Attends au conseil de famille, on va revenir là-dessus !” » Ces limites peuvent amener à s’interroger sur les avantages réels d’une formule plus structurée du conseil de famille, que l’on planifie, par rapport à celle des discussions à bâtons rompus, à l’heure du souper. La science n’aurait, paraît-il, pas encore tranché sur la question, mais Geneviève Mageau entrevoit néanmoins des bénéfices : « Dans les conseils de famille, il y a peut-être l’aspect de la structure qui fait que l’on doit s’écouter avant de reprendre la parole. Au souper, peut-être que c’est moins structuré que cela. » Et même si l’échec des discussions s’invite parfois aux rendez-vous, Carl Lacharité demeure de ceux qui croient que, de tentative en tentative, il finira bien par y en avoir quelques-unes plus proches du succès. Et celles-ci pourront aider à savoir comment s’y prendre pour la prochaine discussion, ou même dans un autre contexte démocratique : « Notamment si on doit reprendre une discussion familiale qui a échoué, on pourrait dire que l’on sait que l’on est capable de prendre des décisions collectives sur d’autres thèmes. On peut se demander alors comment on peut faire pour revenir à la hauteur de ce que l’on est capable de faire ensemble. C’est plus positif que de dire “La dernière fois, vous avez fait trop de farces, ne faites plus jamais ça.” » Après le conseil, la vie continue Et justement, de l’avis de Nathalie Parent, le fait de se créer des processus qui se préparent, comme le conseil de famille, permet aux parents de manifester aux enfants qu’ils croient en leur capacité et de travailler avec eux sur les manières de parvenir à y présenter leur point de vue : « Moi je suis portée à dire : “ Tu n’es pas tout seul, on fait ça ensemble.