Montréal pour Enfants vol. 19 n°6 Hiver 2019 | Page 16

16 psychologie www.montrealpourenfants.com Le cadre plus concret offert aux enfants d’âge préscolaire peut aussi contribuer à la mise en situation ou encore à structurer les échanges. Nathalie Parent propose notamment de se servir d’une histoire, réelle ou inventée, pour se projeter dans la situation en discussion et de faire appel à un objet pour que chacun bénéficie de son temps de parole : « À cet âge, les enfants sont encore beaucoup dans l’action. Il faut vivre le moment avec eux, en prenant un bâton de parole, qui peut être remplacé par un toutou, si on veut. À partir de là, c’est comme si les enfants étaient en train de vivre ce qui se passe plus que de simplement mettre des mots. » Il faut également ménager plus de temps aux plus jeunes pour qu’ils expriment leurs opinions. André Perron, pour sa part, suggère aux parents de se garder quelques idées en réserve à offrir, au cas où la rencontre s’avérerait moins prolifique : « Entre trois et six ans, papa et maman auront préparé, avant la réunion de famille, sept ou huit choix à leur proposer, si l’enfant ne sait pas quoi dire. Mais il ne faut pas leur proposer les choix tout de suite, pour qu’ils commencent à s’habituer au processus. Pour qu’ils sachent qu’ils ont le droit de parler et d’avoir des idées. » Mieux vaut ne pas condamner à choisir L’importance de peser ses mots pour amener les enfants au dialogue est d’autant plus grande que, tout comme leurs aînés, ils ne sont pas tous spontanément de nature à se lancer dans un débat, si constructif soit-il. Et s’il est parfois difficile pour certains enfants de mettre des mots sur un refus de dialoguer qui pourrait décevoir les parents, certains signes peuvent indiquer cette réticence, comme la difficulté à tenir en place, les larmes ou encore, pour les plus vieux, la tendance à dévier du sujet ou à se réfugier derrière un téléphone. Serait-ce alors dire qu’il faudrait nécessairement trouver le moyen de rallier tous les principaux intéressés à une cause aussi juste que le dialogue en famille ? Peut-être serait-il plus sage, suggère Geneviève Mageau, de commencer par se demander si quelques raisons ne pourraient pas expliquer légitimement cette propension au retrait. Il est possible que les enfants se sentent dépassés par la responsabilité de la décision à laquelle on leur propose de participer. Il se peut aussi qu’en la prenant, ils aient l’impression de devoir faire un choix, des plus inconfortables, entre les préférences de papa et de maman, ou encore, d’affronter directement des tensions familiales qui les effraient. Voici pourquoi Geneviève Mageau suggère qu’avec les plus jeunes ou les plus sensibles, il pourrait plutôt être question de préférences que de grandes décisions : « Si un adulte dit à l’enfant “C’est toi qui décides”, l’enfant risque d’être sur ses gardes. Il va s’inquiéter de ne pas faire le bon choix. C’est beaucoup de responsabilité. On peut seulement parler pour avoir leur opinion. Il est possible de ne pas leur donner toute la responsabilité du choix. Je peux poser une question comme : “Qu’est-ce que tu aimes dans telle proposition et qu’est-ce que tu aimes dans l’autre ?” On peut aussi leur dire “C’est gentil ce que tu dis, tu sembles vouloir telle chose” et les soutenir dans leur démarche. » Il se peut que certains enfants continuent de se sentir impressionnés par la place qu’on leur demande de prendre, lors de ces moments qui se voudraient privilégiés pour le dialogue. Un des arguments pour donner un tour moins dramatique à la rencontre, ou encore aider les enfants plus jeunes à s’y intégrer à la mesure de leur capacité, pourrait être de les aider à prendre conscience que tout le poids du choix ne repose pas sur leurs épaules. Mais Geneviève Mageau pense que, en aucun cas, le processus de discussion ne devrait être imposé aux enfants : « Je pense que le conseil de famille devrait être assez agréable pour tout le monde. Quand les gens sont fatigués, ça arrête. Si nous imposons à tout le monde de se parler, à mon avis, ce n’est plus un conseil de famille. Ça devient plus une gestion de conflit. »