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psychologie
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Le cadre plus concret offert aux enfants d’âge
préscolaire peut aussi contribuer à la mise en
situation ou encore à structurer les échanges.
Nathalie Parent propose notamment de se servir
d’une histoire, réelle ou inventée, pour se projeter
dans la situation en discussion et de faire appel à
un objet pour que chacun bénéficie de son temps
de parole : « À cet âge, les enfants sont encore
beaucoup dans l’action. Il faut vivre le moment avec
eux, en prenant un bâton de parole, qui peut être
remplacé par un toutou, si on veut. À partir de là,
c’est comme si les enfants étaient en train de vivre
ce qui se passe plus que de simplement mettre des
mots. » Il faut également ménager plus de temps
aux plus jeunes pour qu’ils expriment leurs opinions.
André Perron, pour sa part, suggère aux parents de
se garder quelques idées en réserve à offrir, au cas
où la rencontre s’avérerait moins prolifique : « Entre
trois et six ans, papa et maman auront préparé,
avant la réunion de famille, sept ou huit choix à leur
proposer, si l’enfant ne sait pas quoi dire. Mais il ne
faut pas leur proposer les choix tout de suite, pour
qu’ils commencent à s’habituer au processus. Pour
qu’ils sachent qu’ils ont le droit de parler et d’avoir
des idées. »
Mieux vaut ne pas
condamner à choisir
L’importance de peser ses mots pour amener
les enfants au dialogue est d’autant plus grande
que, tout comme leurs aînés, ils ne sont pas tous
spontanément de nature à se lancer dans un débat,
si constructif soit-il. Et s’il est parfois difficile pour
certains enfants de mettre des mots sur un refus de
dialoguer qui pourrait décevoir les parents, certains
signes peuvent indiquer cette réticence, comme
la difficulté à tenir en place, les larmes ou encore,
pour les plus vieux, la tendance à dévier du sujet ou
à se réfugier derrière un téléphone. Serait-ce alors
dire qu’il faudrait nécessairement trouver le moyen
de rallier tous les principaux intéressés à une cause
aussi juste que le dialogue en famille ?
Peut-être serait-il plus sage, suggère Geneviève
Mageau, de commencer par se demander si
quelques raisons ne pourraient pas expliquer
légitimement cette propension au retrait. Il est
possible que les enfants se sentent dépassés
par la responsabilité de la décision à laquelle on
leur propose de participer. Il se peut aussi qu’en
la prenant, ils aient l’impression de devoir faire un
choix, des plus inconfortables, entre les préférences
de papa et de maman, ou encore, d’affronter
directement des tensions familiales qui les effraient.
Voici pourquoi Geneviève Mageau suggère qu’avec
les plus jeunes ou les plus sensibles, il pourrait
plutôt être question de préférences que de grandes
décisions : « Si un adulte dit à l’enfant “C’est toi
qui décides”, l’enfant risque d’être sur ses gardes.
Il va s’inquiéter de ne pas faire le bon choix. C’est
beaucoup de responsabilité. On peut seulement
parler pour avoir leur opinion. Il est possible de ne
pas leur donner toute la responsabilité du choix. Je
peux poser une question comme : “Qu’est-ce que
tu aimes dans telle proposition et qu’est-ce que tu
aimes dans l’autre ?” On peut aussi leur dire “C’est
gentil ce que tu dis, tu sembles vouloir telle chose”
et les soutenir dans leur démarche. »
Il se peut que certains enfants continuent de se sentir
impressionnés par la place qu’on leur demande de
prendre, lors de ces moments qui se voudraient
privilégiés pour le dialogue. Un des arguments pour
donner un tour moins dramatique à la rencontre, ou
encore aider les enfants plus jeunes à s’y intégrer à
la mesure de leur capacité, pourrait être de les aider
à prendre conscience que tout le poids du choix
ne repose pas sur leurs épaules. Mais Geneviève
Mageau pense que, en aucun cas, le processus
de discussion ne devrait être imposé aux enfants :
« Je pense que le conseil de famille devrait être
assez agréable pour tout le monde. Quand les gens
sont fatigués, ça arrête. Si nous imposons à tout le
monde de se parler, à mon avis, ce n’est plus un
conseil de famille. Ça devient plus une gestion de
conflit. »