Montréal pour Enfants vol. 19 n°6 Hiver 2019 | Page 14

14 psychologie www.montrealpourenfants.com Pourtant, lorsqu’il s’agit d’aborder la dynamique de groupe dans son ensemble, ou encore les relations dans la fratrie, les références demeurent embryonnaires. Et le psychologue et professeur de psychologie Carl Lacharité remarque que les parents les mieux intentionnés se sentent parfois à bout de ressources, lorsqu’il s’agit de définir où commence la liberté des uns et où se termine celle des autres : « D’ailleurs, dans les médias, ce que l’on voit à propos des discussions en famille, ce sont beaucoup plus les dérapages et comment ça peut devenir compliqué, ce qui nous renvoie l’image qu’il faudrait peut-être éviter de se retrouver dans ce genre de situation. Ce sont les raisons pour lesquelles, lorsque démarre ce type de conversations en famille, qui doivent absolument avoir lieu parce qu’il y a une décision importante à prendre, les gens vont souvent se tourner vers un professionnel qui les aidera. » Jamais trop petit pour faire acte de présence Pourtant, André Perron persiste à dire que les enfants peuvent tirer profit de leur présence dans les réunions en famille, même lorsque les idées abstraites et les grandes responsabilités ne font pas encore partie de leur univers : « C’est important que même un enfant de trois ou quatre ans, qui ne peut pas s’exprimer comme un enfant de huit ans, soit là à la rencontre, au conseil de famille, même s’il ne comprend pas trop. Il est là, il écoute. Il est en train d’apprendre comment négocier et prendre sa place. Comment l’autre prend sa place aussi. Comment papa s’exprime avec maman. » Ainsi, en faisant acte de présence et en étant soutenu par ses parents, il démontre à tous que ses besoins, eux aussi, sont importants. Ce n’est cependant que graduellement que l’enfant parviendra d’abord à demeurer assis, puis à reconnaître les enjeux exposés. La psychologue et enseignante Nathalie Parent croit que l’entrée à l’école de l’enfant lui offre un bon coup de pouce pour qu’il acquière une plus grande connaissance des réalités qui l’entourent et les capacités d’abstraction nécessaires pour les transposer à sa propre existence : « Déjà, vers neuf ans, ils ont pu commencer à faire des voyages et, à l’école, ils ont eu des exposés oraux sur les voyages des autres. Ils commencent à s’ouvrir sur le monde. On peut donc amener des sujets sur les prochains voyages et les prochaines vacances. » Mais, souligne-t-elle, même à ce point, mieux vaut éviter de brûler les étapes. La professeure et chercheuse en psychologie Geneviève Mageau prévient aussi qu’avec les plus jeunes, il faut s’attendre à devoir déduire de vagues intentions à travers une marée d’imagination : « Quand les plus jeunes arrivent avec des idées qui manquent de réalisme, on peut essayer de comprendre ce qu’ils aiment dans ce qu’ils proposent et de trouver une option qui fonctionne. Par exemple, si l’enfant suggère d’aller se balader avec des licornes, peut-être qu’il aimerait marcher avec toute la famille. » Mettons-nous à la hauteur des émotions Probablement que quelques parents resteront assez perplexes, s’ils se retrouvent, au terme de la conversation, avec un bagage de licornes et d’états d’âme librement exprimés. Afin de structurer davantage la rencontre avec les plus jeunes, il est suggéré d’associer le dialogue à des gestes ou à des éléments plus concrets. Carl Lacharité dit qu’il n’hésiterait pas, par exemple, à apporter une grande feuille blanche et des crayons de couleur, afin que tout le monde ou ceux qui en ont envie puissent dessiner la façon dont ils entrevoient un projet d’avenir, comme un déménagement.