Montréal pour Enfants vol. 19 n°4 La Rentrée 2019 | Page 36

36 psychologie www.montrealpourenfants.com Le professeur de psychologie George Tarabulsy pré- cise que la manière dont le parent pose ses limites peut s’avérer constructive pour autant que la réac- tion de l’adulte demeure prévisible et corresponde à une logique et à des mots que l’enfant parvient à comprendre. Les poser ferait même partie inté- grante du rôle de parents : « L’enfant est constam- ment en train de se poser la question de savoir comment fonctionne son environnement social. Une partie importante pour le savoir est de transgresser les règles. Je dirais même que c’est une question que l’on porte en soi tout au long de notre exist- ence : ‟Est-ce que je peux faire ce que je veux ?” On souhaite avec nos enfants, et avec tout le monde, en fait, que la réponse soit ‟Non, tu ne peux pas faire tout ce que tu veux”. » Viser la compréhension de l’enfant ne devrait donc pas signifier de mettre ses valeurs au placard lorsque vient le moment de revenir sur une situation conflictuelle. Ces experts admettent néanmoins que la parfaite cohérence entre les valeurs que l’on aimerait transmettre et les actes quotidiens demeure également au rang des utopies. Annie Sayeur mentionne pourtant que les parents peuvent profiter de ces moments dont ils sont moins fiers pour démontrer à leurs enfants comment il est possible, dans ce monde imparfait, de revenir sur les événements et d’en ressortir plus forts, et surtout plus conscients : « L’important, si un parent perd patience et, par exemple, donne un coup de poing sur la table, c’est de nommer aux enfants ce qui vient de se passer. On peut dire ‟Maman était très fâchée. Mais il ne faut pas faire cela. Je suis désolée. J’aurais plutôt dû faire telle chose.” Et c’est ce bout de chemin là que la majorité des gens ne font pas. Il n’est pas rare que des parents expliquent en long et en large à leur enfant qu’il ne doit pas se comporter comme ça avec un ami et qu’il doit faire ci ou ça. Mais s’excuser, c’est plus rare. » Une petite voix intérieure… à écouter avec modération L’émotion du parent ne se fait cependant pas seule- ment sentir dans les discussions entourant directe- ment les conflits d’enfants. Hélène Larouche re- marque que les obstacles rencontrés par les enfants renvoient leurs parents aux limites de leurs propres habiletés sociales et de leurs culpabilités. Bref, à travers les conflits d’enfants, c’est toujours un peu l’image des parents qui se rejoue : « C’est pire en- core lorsqu’il est question de nos enfants et de ceux de nos frères et sœurs, parce que la comparaison peut arriver. On est très sensibles comme parents au jugement des pairs. Il faut accepter qu’il y ait eu une chicane. » Au cours de ses recherches, George Tarabulsy a même observé des enfants coincés entre des adultes, des parents ou des éducateurs, lorsque ceux-ci sont intervenus de façon maladroite, à propos des querelles de leurs enfants, en s’apostrophant mutuellement : « À trop intervenir, l’enfant peut se retrouver dans une relation où les parents sont en conflit ouvert avec le milieu scolaire, avec une autre famille ou avec un ami. L’enfant se retrouve alors lui-même à devoir gérer le trop-plein d’émotions de ses parents. » George Tarabulsy remarque aussi que les parents manifestent parfois des inquiétudes devant les pro- blématiques qu’ils ont difficilement traversées au cours de leur enfance, et qui finissent par peser lourd sur les épaules de leurs enfants. Un des cas classiques pourrait être un parent qui a été intimidé et qui interroge son enfant : cela peut éveiller chez lui une vigilance excessive ou il pourrait surréagir devant le moindre signe d’intimidation : « Dans ce genre de situation, au lieu d’assurer la sécurité de son enfant, il peut le rendre encore plus vulnérable. Il n’y a pas seulement un risque de trop intervenir, mais celui de faire partie du problème ! Il y a le risque de s’engager dans l’engrenage de l’abus comme une victime et non comme un parent protecteur impliqué dans la solution. » Ce chercheur indique quand même que les parents ont avantage à réfléchir aux bonnes questions à poser à un enfant qui se sent lésé, les enfants victimisés ayant parfois l’impression d’être inadéquats ou responsables du problème. Amener des interrogations qui ne soient pas per- çues comme des blâmes exige donc beaucoup de doigté. Il en faut une bonne dose avec un enfant dont les agissements paraissent carrément fautifs. Pourtant, des partis pris pour la victime ou le plus petit, par habitude ou par identification, conduisent