Montréal pour Enfants vol. 19 n°4 La Rentrée 2019 | Page 34

34 psychologie www.montrealpourenfants.com dire à quoi on aurait aimé que l’enfant réfléchisse et lui poser une question précise comme ‟Aurais-tu aimé ça à sa place ?” On ne peut pas seulement en- voyer un enfant réfléchir… et le retrouver quelques minutes plus tard sur son iPhone. » Julie Brousseau explique aussi que la réflexion partagée avec l’adulte permet aussi à l’enfant de prendre conscience des possibilités qui s’offrent à lui, pour se sortir de l’enchaînement des réactions spontanées qui ont tendance à le placer dans des situations indésirables : « Parfois, il faut revisiter nos façons de faire et essayer de comprendre pourquoi c’est le petit frère qui semble mériter plus la mor- sure que les autres enfants. Si on observe et on pose la question à l’enfant, il peut répondre : ‟Parce que c’est le seul qui continue quand je lui dis non.” Il faudra alors trouver une autre solution. Mais il y a sûrement une raison qui fait que cela se poursuit toujours avec une personne ou un groupe de per- sonnes. On peut aussi proposer à l’enfant de venir nous chercher avant que ça dégénère. » Ainsi, l’enfant peut apprendre à se préparer aux situations à venir. Le parent peut aussi l’aider à faire le lien entre les situations qui semblent pénibles et le pouvoir qu’il a de les changer. Cela suppose parfois non seulement que l’enfant change son discours ou réagisse différemment, mais aussi qu’il pose des gestes définitifs, comme renoncer à certains amis trop oppressifs. Et même lorsqu’un enfant se sent persécuté, Annie Sayeur explique que, tout en évitant de le respon- sabiliser des offenses qu’il subit, il demeure pos- sible de le sensibiliser aux moyens à adopter pour prévenir ces affronts : « C’est difficile, mais en même temps, il faut lui faire prendre conscience que s’il s’est fait rejeter, il y avait un comportement sous- jacent. Il faut nommer ce genre de choses. C’est ce que j’appelle avoir des discussions courageuses. Parfois, on pense au pire. On pense que c’est parce que l’enfant est méchant. Cela peut être seulement parce que l’enfant est très réservé. » Pas impartial, seulement bienveillant Il semblerait donc que l’exigence de cohérence en- tre les actes et les paroles ne soit pas réservée aux adultes. Et cette cohérence est loin de constituer un jeu d’enfant pour les adultes, surtout lorsqu’ils craignent de poser leurs limites de façon trop pér- emptoire. Les parents aussi ont droit à des limites Ainsi, bien qu’Hélène Larouche fasse partie de ceux qui croient que d’imposer le silence ou un arrêt d’agir peut s’avérer pertinent, lorsque le par- ent sent que sa marmite commence à bouillir, elle soutient qu’intervenir de façon agressive peut être la pire des réactions possibles : « Si je crie au lieu de répondre calmement, c’est sûr que cet en- fant va développer cette façon aussi de régler ses problèmes. L’agressivité s’apprend aussi bien par l’exemple. » La fermeté et la douceur n’ont d’ailleurs rien d’incompatible, à son avis, puisqu’elle croit que l’agressivité survient surtout lorsque le parent a dé- passé ses propres limites. En revanche, Julie Brousseau ne pense pas que ces limites clairement établies puissent transformer le parent réel en créature 100 % zen, ni même qu’il faille souhaiter y parvenir. Elle soutient plutôt que le souci de cohérence demande qu’un adulte révèle les émotions que suscite un acte inacceptable. Une attitude plus ferme, voire péremptoire, serait al- ors davantage appropriée : « Si je vois une bande d’enfants en train d’intimider une petite fille toute seule, c’est sûr que ça ne doit pas se passer comme ça. Mais si je me contente de dire doucement ‟Ah bien là les enfants… ça ne se fait pas”, je ne fais pas preuve de cohérence. Si je suis plus en contact avec la frustration que cela me crée, je vais être capable davantage de dire ‟Non, c’est un arrêt d’agir. Ça ne passe pas.” Et, après, je vais amener la réflexion. » Cette cohérence suppose néanmoins, à son avis, d’éviter les colères démesurées et les punitions que le parent pourrait peiner à appliquer par la suite.