Montréal pour Enfants vol. 19 n°4 La Rentrée 2019 | Page 32
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psychologie
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à un enfant ‟Tu es fâché ?” ça peut déjà faire toute
la différence. Quand on est validé dans ce que l’on
ressent, cela peut diminuer l’intensité de moitié,
parce que l’on est accueilli. Cela n’empêche pas de
dire à l’enfant qu’il ne peut pas nous frapper lorsqu’il
est en colère, qu’il faut trouver d’autres solutions. »
Moins de reproches,
plus de questions
Encore faut-il prendre le temps d’observer pour
diagnostiquer les émotions avec justesse. Et lorsque
les enfants se mettent à passer plus de temps hors
de la maison, savoir poser les bonnes questions
devient un outil parental fondamental. S’asseoir
et approfondir les affirmations d’un enfant permet
également de distinguer des termes forts appris à
l’école, comme « intimidation », d’une simple dis-
corde entre copines.
Lorsqu’un drame surgit, la tentation peut toutefois
être forte de le traiter comme s’il y avait péril en la
demeure… et de ne plus y revenir. Une option dont
l’impact éducatif semble assez limité selon Julie
Brousseau : « Guider, ce n’est pas comme trop
intervenir et dire ‟Là, ça suffit ! Vous réglez cela ain-
si en dix minutes !” et où le parent décide. Si l’enfant
n’a pas réfléchi et que la situation se reproduit, il va
encore réagir d’une façon rapide ou attendre que le
parent vienne régler les choses. » Et même les en-
fants qui se montrent plus enclins à adopter les con-
seils, proférés spontanément, mais moins adaptés à
leur situation (comme « Ignore-le, va jouer ailleurs »),
peuvent voir leur situation s’aggraver, parfois subtile-
ment, précise Annie Sayeur : « Se retirer lorsqu’on
est en colère, pour se calmer, c’est vrai que c’est
excellent. Mais se retirer lorsqu’on est une victime
ne l’est pas. Parce que si tu te retires toujours, mais
que tu ne dénonces pas, tu ne te sortiras jamais de
la situation. »
Ces solutions préréfléchies apportent aussi peu de
secours lorsque des enfants veulent arbitrer un de
leurs fameux « Ce n’est pas moi, c’est lui ! ». Hélène
Larouche mentionne néanmoins que ce type de
situation constitue une belle façon d’offrir à ses en-
fants un exemple d’écoute et de patience : « Dans
une phrase comme ‟Ce n’est pas moi, c’est lui qui
a commencé !”, il y a une forte revendication de jus-
tice. En l’écoutant, nous allons reconnaître une injus-
tice, s’il y en a une. Mais si ce n’est pas le cas et que
c’est lui qui a provoqué la situation, je pense que,
par la communication, on découvrira que la solu-
tion n’est pas très loin. Et ce que l’on veut, comme
personne, mais aussi comme société, c’est d’être
écoutée lorsqu’on prend la parole pour se défendre.
Il faut l’apprendre aux enfants, car quand ils disent
‟Ce n’est pas moi, c’est lui qui a commencé !”, ils
coupent la conversation. » Dans le cas où les deux
personnes s’expriment avec la conviction d’avoir
raison, cette prise en considération de la réalité de
l’autre peut aider à cheminer vers une solution ac-
ceptable.
Hélène Larouche rappelle aussi que l’écoute des
doléances, mais aussi des propositions de chacun,
contribue à dépasser habilement les barrières
défensives, et même à engager les enfants dans
le respect des solutions proposées. De plus, elle a
remarqué que cette approche pouvait parfois sur-
prendre et désarçonner plus efficacement une mon-
tée d’agressivité qu’une réaction de colère envers
des enfants qui s’attendent à être punis. Ce temps
d’arrêt, admet-elle, a également été utile à maintes
reprises à la mère, et à l’éducatrice qu’elle a été,
pour aider les enfants à mieux s’écouter, mais aussi
pour s’aider elle-même : « Le premier bon réflexe,
c’est de prendre du recul. Sinon, on serait tenté de
dire ‟Voyons, pourquoi le laisses-tu faire ? Il prend
tous tes jouets !” Alors que l’intervention la plus adé-
quate est ‟Comment ça se passe ? Comment tu
te sens quand tu joues avec cet ami ?” Cela va le
ramener à lui. »
La prochaine fois, on fait quoi ?
Enfin, l’ultime avantage d’un moment de recul est
que cela aide à laisser retomber la poussière, le
temps que l’enfant se reconnecte avec ce que la
situation peut l’amener à ressentir. Cependant, pour
que la réflexion demeure « active », Julie Brousseau
précise que les enfants ont besoin que nous les
guidions : « Il faut être précis dans notre requête,