Montréal pour Enfants vol. 19 n°4 La Rentrée 2019 | Page 30
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psychologie
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n’ont pas encore atteint un degré d’abstraction
logique suffisant pour comprendre la portée de leurs
gestes. Il est alors inutile de s’empêtrer dans les
grandes explications sur l’importance de demeurer
pacifique : « À ce moment, si on leur explique avec
notre pensée et notre logique d’adulte qu’il ne faut
pas faire ces choses-là, l’enfant ne comprendra pas.
Ils nous regardent avec leurs grands yeux et on se
demande s’ils se moquent de nous. » Le soutien
assidu est donc de mise, mais la punition a beau-
coup moins de sens, puisque l’enfant ne fait sou-
vent qu’exprimer son émotion du moment, par une
poussée ou une morsure, sans chercher vraiment à
contrôler les autres d’une quelconque manière.
Madame Sayeur concède qu’il demeure possible de
mettre l’enfant sur la piste de ce qui, espérons-le,
deviendra un jour de l’empathie, par des directives
concrètement reliées à l’acte reproché : « Si une
petite fille a mordu, lorsqu’elle sera calme, on peut
lui dire de donner un bisou là où elle a mordu ou
mettre une petite débarbouillette pour réparer. Si on
explique avec des mots, elle ne comprendra pas.
Mais admettons qu’il y ait des traces de dents sur
le bras qu’elle a mordu, c’est là que nous pouvons
dire ‟Regarde, ça a fait bobo.” Cela va avoir plus
d’impact que d’envoyer un enfant se calmer sur une
chaise ou dans la chambre. »
Par contre, à l’époque où l’enfant entre à l’école,
Georges Tarabulsy incite les parents à se montrer
plus fermes et à discuter plus directement des con-
séquences indésirées d’une action, et l’on devrait
s’attendre à ce que l’enfant comprenne : « Quand on
a huit ou neuf ans, le même genre d’interaction entre
les enfants est accompagné de plus de discussions
et je dirais même d’autorité de la part du parent.
Parce qu’à huit ou neuf ans, il est fort possible que
le comportement soit intimidant et que l’émotion soit
plus chargée. »
Faire équipe
pour gérer les conflits
Fatalement, aussi, en interagissant hors de la mai-
son, l’enfant découvre d’autres réactions au con-
flit, d’autres formes d’accompagnement. Bref, il
acquiert des outils plus variés pour gérer ses rela-
tions sociales et intimes. Pour suivre cette évolu-
tion, le parent a donc tout intérêt à passer de celui
qui impose à celui qui a su négocier l’acquisition de
valeurs communes. Comment alors engager ce dia-
logue vers l’autonomie ?
Les rudiments de la gestion du conflit
avant l’âge de raison
Ainsi, l’apprentissage de la gestion des conflits com-
mence dès que les enfants trouvent des occasions
de se disputer un jouet, de devoir vivre avec les con-
séquences de leur dispute, mais aussi, raconte Julie
Brousseau, d’observer comment les autres, autour
d’eux, tirent leur épingle du jeu : « Il est possible que
l’enfant ne comprenne rien à cela. Mais par ce qu’il
a vu faire dans d’autres conflits, il va savoir que cela
se fait. L’enfant apprend par imitation. Mais s’il n’a
pas d’exemples de chicane et de réparation, il ne
pourra pas le faire. »
Afin d’amener l’enfant à donner un sens aux actes
qu’il fait lui-même, Annie Sayeur propose aux
adultes accompagnateurs de commencer par
nommer ce qu’ils voient : « Donc, si durant cette
période, un enfant tire les cheveux d’un autre enfant,
il faut nommer le geste. » Celle-ci déconseille de
faire passer le message en faisant subir le même
sort à l’enfant fautif. Les contes ou l’utilisation de
marionnettes lui semblent d’un grand secours au
moment de faire les premiers pas dans le monde
de l’empathie. Ce contexte est alors propice à aider
l’enfant à nommer ce qu’il ressent et à faire ainsi
appel au premier principe de communication non
violente qui est à sa portée.
Et c’est, encore une fois, dans la bouche de l’adulte
que les enfants trouvent habituellement les mots à