Montréal pour Enfants vol. 19 n°2 Printemps 2019 | Page 14

14 vie de famille www.montrealpourenfants.com c’est parfois impossible pour un père de pouvoir les rassurer comme elles en auraient besoin. » Lorsque le ou la partenaire retourne au travail, celui qui demeure derrière se sent seul en prenant conscience qu’il ne retrouvera pas son réseau et ses sources de valorisation de célibataire avant longtemps, ce qui peut le rendre particulièrement irritable devant les heures supplémentaires ou les soirées entre copains du conjoint, après le travail. Valérie Harvey constate que, même si les conditions de congé de paternité ont évolué, les pères qui tentent de le prolonger plus de cinq semaines créent encore un malaise. De plus, les conditions de travail plus précaires ne permettent pas aux conjoints d’échapper aux exigences de performance, dès leur retour du bureau : « L’autre problème, pour le parent qui prend 5 semaines ou plus, et la mère va aussi le vivre, est le retour au travail. Comme ils ont pris des congés pour leur enfant, on met ensuite le sujet de côté. Le père, notamment, voit le bébé à la maison, mais on considère que cela ne doit plus interférer avec le travail. C’est comme si tu revenais de tes vacances. Mais, dans la réalité, le bébé est toujours là. » Caroline raconte aussi que, une fois à la maison, son conjoint a dû accepter l’idée de ne pas retrouver le nid douillet auquel il s’attendait : « Lorsqu’il voit que l’on a passé toute la journée avec le bébé, il se dit que nous aurions dû avoir le temps de faire des milliers de choses. Ce n’est plus la même perception qu’avant, quand on travaillait et que l’on avait une idée de ce que pouvait vivre l’autre. » Bien que ce choc de la réalité semble assez répandu, bon nombre de partenaires réussissent à garder de la compassion, surtout lorsqu’ils ont fait le choix de s’épauler étroitement, plutôt que de se réfugier dans des rôles plus rigides. En ce sens, ce que retient Maryse de la grande période de crise lors de la maladie de sa fille est une expérience de reconnaissance : « Durant les deux dernières semaines, c’est comme si c’étaient des années : tu vas voir des professionnels et tu te demandes comment tu vas y arriver. C’est sûr que l’on n’aime pas ça que notre conjoint nous voie craquer ; en même temps, lui, il a dormi davantage et il a pris le relais pour essayer d’endormir le bébé. Alors j’étais contente d’avoir vécu ça avec lui, parce qu’il y a des partenaires qui ne sont pas vraiment là. Mais, lui, j’ai vraiment senti qu’il cherchait la solution avec moi. » Savoir déposer les armes… sous le berceau Les experts et les parents un peu plus aguerris préviennent cependant qu’avant d’en arriver à cette complicité commune autour du grand projet de leur vie, et justement parce qu’il s’agit du plus grand projet de leur vie, beaucoup de conflits devront être dépassés. Audrey Brassard relate, à ce sujet, que la route peut alors être longue, avant d’y parvenir : « C’est inévitable. Je dirais que les occasions de conflits sont décuplées. Il y a tellement de décisions à prendre avec un enfant. Et, souvent, on ne sait pas quelle est la meilleure décision. […] Quand on ne sait pas et que l’on essaie des choses, on peut devenir très invalidants l’un envers l’autre. On peut se sentir coupable et se blâmer mutuellement. » Un conseil simple et généralement partagé pour réduire ces tensions est de s’entendre sur des sources d’information que les deux conjoints trouvent fiables et de favoriser les moments de dialogue, plutôt que de se réfugier derrière les écrans. Mais une partie du problème, plus délicate, repose sur les aspects irrationnels, souvent issus de l’enfance, que chaque conjoint devra apprendre à gérer. Rosalie Chassot évoque, entre autres, la hantise que ce que l’on a vécu pendant l’enfance se répète avec son enfant, ou encore l’impression pour un des conjoints de perdre sa place, lorsqu’une dynamique parent-enfant existait entre les partenaires : « C’est certain que tout ce que l’on fait avant l’accouchement pour se préparer peut aider à cerner son rôle. Mais finalement, toutes les fragilités, les traumatismes et les carences que l’on a pu rencontrer durant sa propre enfance, il va falloir quand même les revisiter. » Cette période devient donc une très bonne occasion d’apprendre à nommer ses besoins, et de réaliser que de le faire pourrait contribuer à rendre la vie plus facile. Lorsque l’épuisement s’installe, ceci peut paraître compliqué pour les parents qui considèrent avoir toutes les raisons d’être comblés… mais qui se sentent un peu honteux de ne pas être parfaitement heureux. Sur le plan de la sexualité, la sexologue Nathalie Bélanger soutient que de mieux connaître les termes et d’oser les dire aideraient beaucoup les femmes à s’épanouir  : «  Elles vont avoir de la difficulté à