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vie de famille
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c’est parfois impossible pour un père de pouvoir les
rassurer comme elles en auraient besoin. » Lorsque
le ou la partenaire retourne au travail, celui qui
demeure derrière se sent seul en prenant conscience
qu’il ne retrouvera pas son réseau et ses sources de
valorisation de célibataire avant longtemps, ce qui
peut le rendre particulièrement irritable devant les
heures supplémentaires ou les soirées entre copains
du conjoint, après le travail.
Valérie Harvey constate que, même si les conditions
de congé de paternité ont évolué, les pères qui
tentent de le prolonger plus de cinq semaines créent
encore un malaise. De plus, les conditions de travail
plus précaires ne permettent pas aux conjoints
d’échapper aux exigences de performance, dès leur
retour du bureau : « L’autre problème, pour le parent
qui prend 5 semaines ou plus, et la mère va aussi le
vivre, est le retour au travail. Comme ils ont pris des
congés pour leur enfant, on met ensuite le sujet de
côté. Le père, notamment, voit le bébé à la maison,
mais on considère que cela ne doit plus interférer
avec le travail. C’est comme si tu revenais de tes
vacances. Mais, dans la réalité, le bébé est toujours
là. » Caroline raconte aussi que, une fois à la maison,
son conjoint a dû accepter l’idée de ne pas retrouver
le nid douillet auquel il s’attendait : « Lorsqu’il voit
que l’on a passé toute la journée avec le bébé, il se
dit que nous aurions dû avoir le temps de faire des
milliers de choses. Ce n’est plus la même perception
qu’avant, quand on travaillait et que l’on avait une
idée de ce que pouvait vivre l’autre. »
Bien que ce choc de la réalité semble assez
répandu, bon nombre de partenaires réussissent à
garder de la compassion, surtout lorsqu’ils ont fait
le choix de s’épauler étroitement, plutôt que de se
réfugier dans des rôles plus rigides. En ce sens, ce
que retient Maryse de la grande période de crise
lors de la maladie de sa fille est une expérience
de reconnaissance : « Durant les deux dernières
semaines, c’est comme si c’étaient des années :
tu vas voir des professionnels et tu te demandes
comment tu vas y arriver. C’est sûr que l’on n’aime
pas ça que notre conjoint nous voie craquer ; en
même temps, lui, il a dormi davantage et il a pris le
relais pour essayer d’endormir le bébé. Alors j’étais
contente d’avoir vécu ça avec lui, parce qu’il y a des
partenaires qui ne sont pas vraiment là. Mais, lui, j’ai
vraiment senti qu’il cherchait la solution avec moi. »
Savoir déposer les armes…
sous le berceau
Les experts et les parents un peu plus aguerris
préviennent cependant qu’avant d’en arriver à cette
complicité commune autour du grand projet de leur
vie, et justement parce qu’il s’agit du plus grand
projet de leur vie, beaucoup de conflits devront être
dépassés. Audrey Brassard relate, à ce sujet, que
la route peut alors être longue, avant d’y parvenir :
« C’est inévitable. Je dirais que les occasions de
conflits sont décuplées. Il y a tellement de décisions
à prendre avec un enfant. Et, souvent, on ne sait pas
quelle est la meilleure décision. […] Quand on ne sait
pas et que l’on essaie des choses, on peut devenir
très invalidants l’un envers l’autre. On peut se sentir
coupable et se blâmer mutuellement. »
Un conseil simple et généralement partagé pour
réduire ces tensions est de s’entendre sur des
sources d’information que les deux conjoints trouvent
fiables et de favoriser les moments de dialogue, plutôt
que de se réfugier derrière les écrans. Mais une partie
du problème, plus délicate, repose sur les aspects
irrationnels, souvent issus de l’enfance, que chaque
conjoint devra apprendre à gérer. Rosalie Chassot
évoque, entre autres, la hantise que ce que l’on a
vécu pendant l’enfance se répète avec son enfant, ou
encore l’impression pour un des conjoints de perdre
sa place, lorsqu’une dynamique parent-enfant existait
entre les partenaires : « C’est certain que tout ce que
l’on fait avant l’accouchement pour se préparer peut
aider à cerner son rôle. Mais finalement, toutes les
fragilités, les traumatismes et les carences que l’on
a pu rencontrer durant sa propre enfance, il va falloir
quand même les revisiter. »
Cette période devient donc une très bonne
occasion d’apprendre à nommer ses besoins, et de
réaliser que de le faire pourrait contribuer à rendre
la vie plus facile. Lorsque l’épuisement s’installe,
ceci peut paraître compliqué pour les parents
qui considèrent avoir toutes les raisons d’être
comblés… mais qui se sentent un peu honteux de
ne pas être parfaitement heureux.
Sur le plan de la sexualité, la sexologue Nathalie
Bélanger soutient que de mieux connaître les termes
et d’oser les dire aideraient beaucoup les femmes
à s’épanouir : « Elles vont avoir de la difficulté à