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vie de famille
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Cette professeure de psychologie précise cependant
que la situation n’éprouve pas autant tous les
couples, mais ceux qui sont plus anxieux, ou dont
la santé de l’enfant se révèle plus fragile, peuvent
se retrouver plus vite à bout de forces. C’est le cas
aussi des parents qui viennent de vivre de grands
moments de stress, à cause d’une grossesse ou
d’un accouchement difficiles, exigeant parfois un
repos supplémentaire après la naissance. Toutefois,
comme plusieurs de ces aspects demeurent
imprévisibles, Audrey Brassard suggère fortement,
même lorsque tout s’annonce pour le mieux, de
réduire un peu ses attentes concernant le retour de
la passion, ou encore les grands projets personnels,
pendant ce qui peut sembler un temps libre :
« Cela sera plus difficile aussi d’avoir l’aspect de
spontanéité et de passion au quotidien parce qu’on
va être fatigués. Une autre chose que je pourrais
rapporter de l’expérience de recherche de mes
étudiants, c’est de ne pas trop planifier de faire des
rénovations ou des projets autres que de prendre
soin de l’enfant et du couple durant cette période
d’adaptation. »
Outre la fatigue, la pression que vivent les femmes
à retrouver leur désir et leur ligne d’antan peut
amener des tensions dans le couple, durant les mois
précédant la guérison des plaies, le rétablissement
du plancher pelvien et le retour du désir. Lors de
ses ateliers sur la sexualité après l’accouchement,
Nathalie Bélanger sent souvent la manifestation de
ce sentiment d’urgence chez les hommes : « La
baisse de libido de madame est difficile à vivre pour
eux. Ils disent que leur partenaire pourrait au moins
leur donner un peu plus d’attention et leur faire des
petites gâteries, autrement dit, ils voudraient avoir
une fellation. Ils espèrent parfois une compensation
pour le fait qu’ils attendent. » Cette sexologue
constate toutefois qu’une meilleure compréhension
de ce qui se passe dans le corps de leur conjointe,
en consultant un professionnel ou en se joignant
à un groupe d’entraide, le partage de quelques
trucs afin de déjouer l’omniprésence de l’enfant et
d’intégrer quelques scénarios plus romantiques et
sensuels, sans pénétration, font souvent évoluer le
désir de madame beaucoup plus rapidement qu’une
pression continue.
Audrey Brassard croit aussi que les hommes qui
souhaitent retrouver non seulement le corps, mais
aussi le désir de leur partenaire, ont aussi tout
intérêt à comprendre que si la sexualité est perçue
comme une concession de plus par une maman
qui s’est dévouée à son enfant toute la journée,
l’enthousiasme érotique risque de revenir beaucoup
moins vite : « Ce que j’ai pu entendre dans des
témoignages de consultants en psychothérapie,
c’était une tension entre le rôle de mère qui est
en train d’allaiter et le rôle de femme sexuelle. Il y
avait aussi une forte impression de don de soi qui
fait qu’à la fin de la journée, après avoir pris soin
de quelqu’un, si la sexualité est vécue par la femme
comme étant un don de soi, c’est sûr que cela va
être moins tentant pour elle. »
La question n’est cependant pas du tout de jeter
la pierre aux papas, qui doivent souvent mettre les
bouchées doubles pour correspondre au nouveau
rôle que l’on attend d’eux. Et si toutes les expertes
remarquent une belle évolution dans l’implication
du père, Valérie Harvey mentionne qu’il n’est pas
toujours évident, pour lui, de se situer entre les
attentes de ses proches, des médecins, du monde
extérieur et de celles de leur conjointe, qui peut
s’avérer elle-même encore indécise : « Il y en a un
qui me disait ‟Elle pleurait. L’allaitement était difficile.
Elle a essayé toutes les solutions possibles. Ça ne
fonctionnait pas. Je lui ai proposé une fois : Tu n’es
pas obligée de continuer. Et si elle avait eu des yeux
qui tuaient, je serais mort.” Finalement, elle a dû se
résoudre à ne pas allaiter. Et tout ce que le père
pouvait faire, c’était de lui offrir du soutien. Donc,
oui, il peut y avoir une tension quand ça devient
très difficile. Beaucoup d’hommes me disaient qu’il
y a énormément de pression sur les épaules des
femmes pour qu’elles allaitent. Ils trouvaient cela
terrible. »
De plus, Rosalie Chassot remarque que beaucoup
de jeunes mamans démontrent de très grandes
attentes envers leur conjoint, qui lui-même doit
s’approprier son double rôle de père et de soutien
financier de la famille : « Les jeunes mamans leur
demandent beaucoup de réassurance. Elles
s’attendent à ce qu’il soit là. Et, souvent, c’est très
insatisfaisant parce que ce n’est pas assez. Mais