Montréal pour Enfants vol. 19 n°2 Printemps 2019 | Page 12

12 vie de famille www.montrealpourenfants.com Cette professeure de psychologie précise cependant que la situation n’éprouve pas autant tous les couples, mais ceux qui sont plus anxieux, ou dont la santé de l’enfant se révèle plus fragile, peuvent se retrouver plus vite à bout de forces. C’est le cas aussi des parents qui viennent de vivre de grands moments de stress, à cause d’une grossesse ou d’un accouchement difficiles, exigeant parfois un repos supplémentaire après la naissance. Toutefois, comme plusieurs de ces aspects demeurent imprévisibles, Audrey Brassard suggère fortement, même lorsque tout s’annonce pour le mieux, de réduire un peu ses attentes concernant le retour de la passion, ou encore les grands projets personnels, pendant ce qui peut sembler un temps libre : «  Cela sera plus difficile aussi d’avoir l’aspect de spontanéité et de passion au quotidien parce qu’on va être fatigués. Une autre chose que je pourrais rapporter de l’expérience de recherche de mes étudiants, c’est de ne pas trop planifier de faire des rénovations ou des projets autres que de prendre soin de l’enfant et du couple durant cette période d’adaptation. » Outre la fatigue, la pression que vivent les femmes à retrouver leur désir et leur ligne d’antan peut amener des tensions dans le couple, durant les mois précédant la guérison des plaies, le rétablissement du plancher pelvien et le retour du désir. Lors de ses ateliers sur la sexualité après l’accouchement, Nathalie Bélanger sent souvent la manifestation de ce sentiment d’urgence chez les hommes  : «  La baisse de libido de madame est difficile à vivre pour eux. Ils disent que leur partenaire pourrait au moins leur donner un peu plus d’attention et leur faire des petites gâteries, autrement dit, ils voudraient avoir une fellation. Ils espèrent parfois une compensation pour le fait qu’ils attendent.  » Cette sexologue constate toutefois qu’une meilleure compréhension de ce qui se passe dans le corps de leur conjointe, en consultant un professionnel ou en se joignant à un groupe d’entraide, le partage de quelques trucs afin de déjouer l’omniprésence de l’enfant et d’intégrer quelques scénarios plus romantiques et sensuels, sans pénétration, font souvent évoluer le désir de madame beaucoup plus rapidement qu’une pression continue. Audrey Brassard croit aussi que les hommes qui souhaitent retrouver non seulement le corps, mais aussi le désir de leur partenaire, ont aussi tout intérêt à comprendre que si la sexualité est perçue comme une concession de plus par une maman qui s’est dévouée à son enfant toute la journée, l’enthousiasme érotique risque de revenir beaucoup moins vite : « Ce que j’ai pu entendre dans des témoignages de consultants en psychothérapie, c’était une tension entre le rôle de mère qui est en train d’allaiter et le rôle de femme sexuelle. Il y avait aussi une forte impression de don de soi qui fait qu’à la fin de la journée, après avoir pris soin de quelqu’un, si la sexualité est vécue par la femme comme étant un don de soi, c’est sûr que cela va être moins tentant pour elle. » La question n’est cependant pas du tout de jeter la pierre aux papas, qui doivent souvent mettre les bouchées doubles pour correspondre au nouveau rôle que l’on attend d’eux. Et si toutes les expertes remarquent une belle évolution dans l’implication du père, Valérie Harvey mentionne qu’il n’est pas toujours évident, pour lui, de se situer entre les attentes de ses proches, des médecins, du monde extérieur et de celles de leur conjointe, qui peut s’avérer elle-même encore indécise : « Il y en a un qui me disait ‟Elle pleurait. L’allaitement était difficile. Elle a essayé toutes les solutions possibles. Ça ne fonctionnait pas. Je lui ai proposé une fois : Tu n’es pas obligée de continuer. Et si elle avait eu des yeux qui tuaient, je serais mort.” Finalement, elle a dû se résoudre à ne pas allaiter. Et tout ce que le père pouvait faire, c’était de lui offrir du soutien. Donc, oui, il peut y avoir une tension quand ça devient très difficile. Beaucoup d’hommes me disaient qu’il y a énormément de pression sur les épaules des femmes pour qu’elles allaitent. Ils trouvaient cela terrible. » De plus, Rosalie Chassot remarque que beaucoup de jeunes mamans démontrent de très grandes attentes envers leur conjoint, qui lui-même doit s’approprier son double rôle de père et de soutien financier de la famille  : «  Les jeunes mamans leur demandent beaucoup de réassurance. Elles s’attendent à ce qu’il soit là. Et, souvent, c’est très insatisfaisant parce que ce n’est pas assez. Mais