Montréal pour Enfants vol. 18 n°4 La rentrée 2018 | Page 4

4 édito

La liberté d’ être …

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Moi et mon ex, on s’ entend bien. Probablement beaucoup mieux que lorsqu’ on était ensemble … Hier, alors qu’ il ramenait les filles et que nous jasions dans le portique, je lui ai offert un verre de vin, histoire de continuer la discussion.
C’ était la première fois en huit ans, je crois, que nous prenions le temps de parler assis, simplement, dans ce qui a été notre maison commune pendant plusieurs années. Notre benjamine se baignait et on discutait comme de vieux amis … Cette conversation m’ a fait réaliser à quel point les gens changent( surtout quand il m’ a dit qu’ il faisait maintenant du yoga!!!), mais ce que j’ en ai surtout retenu, c’ est une phrase que mon ex-mari a mentionnée: « Je ne cherche pas à acheter du matériel, je veux acheter de la liberté! »
Mon ex, encore moins que moi, n’ a jamais été matérialiste. Il n’ a jamais eu besoin de grand-chose, et il a toujours fait ce qu’ il voulait. Bizarrement( ou peut-être pas, justement), la vie a toujours été très généreuse avec lui. Cette année, il prendra, malgré un salaire qu’ on pourrait juger de quasi indécent, une année sabbatique. Il se cherche et aspire à autre chose, au boulot. Malgré tout l’ argent que lui procurerait le maintien à son emploi actuel, il préfère prendre le temps de se retirer, pour voir plus clair. Il vit sa crise de mi-vie en toute sérénité, avec confiance. Il y a huit ans, c’ est moi qui ai fait le même saut. Je suis passée d’ un emploi qui ne convenait pas à celui d’ enseignante au cégep, ce qui fait mon bonheur au quotidien depuis …
Quand j’ ai fait la transition, j’ ai traversé, pendant cinq ou six ans, plusieurs moments d’ insécurité et d’ inconfort. Je ne savais jamais, d’ une session à l’ autre, si on allait m’ attribuer suffisamment d’ heures d’ enseignement et si j’ allais devoir m’ assurer un salaire décent en travaillant deux ou trois soirs par semaine( car obtenir les cours de jour nécessite une certaine ancienneté), ce qui n’ est guère pratique lorsqu’ on est monoparentale avec des enfants en bas âge. Cela dit, j’ ai choisi une voie professionnelle que j’ adore et je ne l’ ai jamais regretté, même si, lorsque j’ ai fait le saut, ma situation financière et la qualité de mon horaire hebdomadaire en ont pris pour leur rhume, car je quittais un emploi stable, de jour et très bien rémunéré.
Je me plais à penser que mon ex-mari et moi, par nos gestes, démontrons à nos enfants que nous sommes toujours libres de choisir. Libres de faire ce que l’ on veut, ce que l’ on aime … À quoi bon vivre si l’ on se retrouve dans un carcan qui nous rend malheureux? Nous avons toujours le choix. Le choix du parcours, le choix de la destination. Ne laissons pas croire à nos enfants que la vie nous est imposée. Ne les laissons pas croire que le travail, le couple ou même la famille sont des prisons dorées. Laissons-les penser que s’ ils le veulent, ils peuvent sauter à pieds joints dans la vie et en profiter, malgré les craintes et l’ insécurité qui, somme toute, sont normales à l’ approche de grands changements. Laissons-les développer la conviction que la vie, s’ ils osent la vivre librement, le leur revaudra pleinement …
Anik Routhier
Enseignante en Techniques d’ éducation à l’ enfance et maman