Montréal pour Enfants vol. 18 n°2 Printemps 2018 | Page 4

4 édito www . montrealpourenfants . com

Ce dont votre enfant a réellement besoin …

>

J ’ en suis presque venue à bout : l ’ encombrement de ma maison ! En fait , je peux même dire que je suis assez fière du résultat , mais j ’ aurais pu m ’ éviter des années de ménage et d ’ épuration si j ’ avais , à la base , compris une chose : les enfants ( et les adultes !) n ’ ont pas besoin de tant de choses pour être heureux ! L ’ important , ce n ’ est pas l ’ abondance d ’ objets , mais plutôt l ’ abondance de plaisir que l ’ on éprouve avec ce que l ’ on possède !
Pourquoi n ’ ai-je pas réalisé cela plus tôt ? Dans mon cas , l ’ une des raisons est reliée à l ’ éducation que j ’ ai reçue . Ma famille était plutôt pauvre , et les messages qui y étaient véhiculés constamment orientés vers le manque . J ’ ai donc rapidement intégré que , dans la vie , il fallait « AVOIR » pour être heureux . Je me suis donc convaincue , même sans avoir encore d ’ enfants , que ma progéniture ne manquerait de rien . Cette croyance en tête , j ’ ai commencé à acheter des trucs pour mes futurs enfants , quand je dénichais des trouvailles intéressantes , bien avant d ’ être enceinte de mon premier bébé !
Résultat : j ’ ai eu trois filles et une maison bien ( TROP ) pleine ! Certes , mes petites n ’ ont manqué de rien , mais j ’ ai assez vite constaté que cette surconsommation ne menait à rien . La grande majorité des « gogosses » ( des objets provenant du Dollarama ou des surprises pour enfants des menus de restauration rapide , vous voyez ce que je veux dire ) finissaient par se retrouver dans un coin après avoir été utilisées deux ou trois fois , ou une seule fois , et plusieurs jouets reçus en cadeau subissaient le même sort !
« Plus = mieux » ne me semblait plus si vrai , après coup ! Mais comment s ’ opposer à cette pensée populaire sans être taxée de mère brimant ses enfants ? La réponse est peut-être celle-ci : si nous passions le message que l ’ abondance se centre non pas sur la quantité d ’ objets possédés , mais sur l ’ abondance de plaisir que l ’ on éprouve avec ce que l ’ on a ? Je pense que les bébés ont compris cela ! Il y a juste à les observer avec leur doudou préférée , qu ’ ils traînent pendant des années malgré son état devenu lamentable , pour constater que leur joie peut provenir d ’ une source simple . Les petits ont aussi ce don de s ’ amuser avec la moindre chose , et je le vois quand je supervise de futures éducatrices dans des pouponnières . Certains enfants peuvent rester de longues minutes à regarder et à toucher mon collier en forme de poupées , d ’ autres sont fascinés par mes crayons , mon cahier de notes à tête de singe ou même ma bouteille d ’ eau .
Bref , plutôt que de remplir nos maisons avec une foule d ’ objets sans réel intérêt , pourquoi ne pas prendre le temps de choisir , avec soin , quelques coups de cœur qui se tailleront une place significative dans la vie de nos enfants ? Personnellement ( et vous aussi peut-être ), j ’ ai encore chez moi des objets de ma jeunesse qui ont résisté au temps : quelques collections ( BD d ’ Astérix , poupées Fraisinette , gommes à effacer et cartes postales ), mon cahier de poésie de 2e année au primaire , certains jeux de société classiques ( Monopoly , Destin , Jour de paie …), tous mes blocs Lego et deux autres jeux de construction avec lesquels j ’ ai passé des heures et des heures de création , ma boîte de crayons Prismacolor en métal ... Pourquoi ces objets ont-ils survécu à mes nombreux déménagements ? Pourquoi ai-je jugé qu ’ ils étaient dignes de rester près de moi et de mes enfants , alors que cela fait des années que je vide ma maison au maximum ? Parce qu ’ ils ont une valeur émotive , car j ’ ai tellement joué avec ! Et d ’ ailleurs , même si mes filles sont maintenant trop vieilles pour ces jeux , je les garde pour mes futurs petits-enfants ( oui , oui !).
Je réalise , quand je fais l ’ inventaire de tous ces objets significatifs , que j ’ ai eu , finalement , une enfance plus choyée que je ne l ’ ai perçue sur le moment . En fait , ce sont les paroles de mes parents qui m ’ ont portée à croire le contraire . Si mes parents avaient insisté davantage sur le fait d ’ apprécier et d ’ avoir de la gratitude pour ce que l ’ on avait , j ’ aurais probablement eu une vision différente de la vie , et je n ’ aurais pas acheté tant de choses inutiles à mes filles .
Maintenant , je me procure peu de choses , mais je choisis ce que je considère comme étant des coups de cœur , des incontournables . Évidemment , on peut toujours se tromper , mais le fait est que les besoins réels de nos enfants ( et les nôtres !) sont souvent bien plus simples à combler qu ’ il n ’ y paraît … Je me fais donc un devoir d ’ insister sur la quantité de plaisir obtenu , et non la quantité d ’ objets . J ’ espère , ainsi , que mes enfants auront compris que l ’ essence même de la gratitude et de l ’ appréciation ne réside pas dans le concept de nombre , mais bien dans celui de qualité …
Anik Routhier