Montréal pour Enfants vol. 17 n°5 Automne 2017 | Page 10

10 www

psychologie

. montrealpourenfants . com
limite de ce qu ’ un livre peut apporter , en cadre familial , et ce , surtout si l ’ enfant manifeste une détresse qui commence à nuire à son fonctionnement familial ou scolaire , même avec les meilleures intentions du monde et avec des livres pratiques comme les siens : « Des parents pourraient dire qu ’ ils ont lu le livre sur l ’ anxiété et se dire “ Donc , voilà : il a un trouble anxieux ”. C ’ est pratique pour faire un dépistage , mais ce qu ’ il faut comprendre , c ’ est que parfois , ça peut être plus complexe que cela . Il peut y avoir une comorbidité , c ’ est-à-dire un autre trouble en même temps qui , lui , demande une intervention plus spécialisée . Et selon la problématique , c ’ est parfois nécessaire de voir un spécialiste . » Un professionnel est aussi mieux placé , selon elle , pour évaluer si la manière de s ’ identifier à l ’ histoire est adéquate , selon le niveau de développement : « Il y a les faits , bien sûr , mais il n ’ en reste pas moins qu ’ un enfant qui va vouloir être une princesse , s ’ il a 3 ou 4 ans , c ’ est plus dans la normalité des choses . On s ’ attend à cela d ’ un enfant d ’ âge préscolaire , mais pas s ’ il est rendu à 7 ou 8 ans . »
Faire appel à un clinicien ne signifie pas devoir renoncer à la bibliothérapie . Katy Roy et Sarah Bédard-Goulet ont pu observer comment cette approche a su illuminer la vie de personnes souffrant de problématiques graves de santé mentale ou de délinquance . Pourtant , les psychologues qui utilisent le livre avec les parents et les enfants ne développent pas nécessairement une expertise en bibliothérapie et les personnes qui étudient plus à fond l ’ usage du livre à des fins thérapeutiques ne possèdent pas toutes le titre réservé de psychothérapeute : « Depuis que j ’ utilise cette approche , je fais toutes sortes d ’ ateliers et de projets ; j ’ ai eu l ’ occasion de parler à différents thérapeutes et éducateurs pour finalement comprendre que ces gens-là l ’ utilisent déjà , dans leur contexte de travail . Ils réfèrent déjà des livres ou des romans , soit des ouvrages de psychologie populaire . Mais comme ils ne connaissent pas le terme bibliothérapie , ils ne l ’ emploient pas et y vont de façon un peu plus spontanée ou intuitive , sans trop connaître les tenants et aboutissants de l ’ approche . », observe Katy Roy .
Mais les familles et les thérapeutes ont déjà le choix entre un grand éventail d ’ outils littéraires : les livres pratiques , expliquant directement des problématiques et suggérant aux parents ou aux enfants des comportements à adopter , les « livres à guérir », créés pour aider des enfants à aborder une problématique spécifique à l ’ aide d ’ un personnage plus ou moins symbolique et , enfin , les livres faisant partie du corpus de littérature générale . Ces derniers constituent le premier choix de Katy Roy et Sarah Bédard-Goulet , lorsqu ’ elles interviennent en contexte thérapeutique : « Se tourner vers des œuvres qui veulent pointer une chose ou délivrer un message , je trouve ça dommage , parce qu ’ il y a quand même une grosse partie du côté thérapeutique que l ’ on peut trouver dans la littérature qui passe justement par la forme littéraire et pas seulement par les mots ou le message qui sera délivré . Je veux dire que le plaisir esthétique de la lecture , qui est pour moi le plus important et que j ’ essaie de partager avec les enfants , c ’ est ça qui est thérapeutique et important . », mentionne madame Bédard-Goulet , à propos de ses choix professionnels .
D ’ ailleurs , ces intervenantes assurent que le livre ne connaît pas que du succès auprès des enfants paisibles et contemplatifs : « Ce qui est très populaire , et qui fonctionne beaucoup en ce moment , c ’ est ce qui touche le déficit d ’ attention avec hyperactivité . C ’ est sûr qu ’ il y a différents niveaux , mais , avec le parent qui fait la lecture , on a un accompagnement . Ils ont souvent beaucoup d ’ imagination », affirme Sophie Leroux . De son côté , Katy Roy affirme qu ’ en passant par la symbolique , il est possible d ’ aborder le livre de façon très active et d ’ amener les enfants à s ’ immerger concrètement dans l ’ action : « L ’ intériorisation , on le voit plus de notre regard d ’ adultes , quand on en parle . Je crois que ce qui est important , c ’ est l ’ expérience qui est vécue avec ceux qui nous habitent dans l ’ imaginaire . L ’ enfant va peut-être capter très rapidement des choses à travers le jeu , à travers le personnage de conte qui va être joué . Il n ’ aura pas eu besoin de méditer pendant 30 minutes . »
Les parents doivent alors faire un choix devant un outil aux multiples possibilités . On peut néanmoins commencer par se situer entre deux grands courants théoriques qui tendent à faire plus fréquemment appel aux livres : les tenants du courant psychanalytique vont davantage compter sur l ’ expression des sentiments et des réflexions qui les entourent pour amener les adultes ou les enfants à résoudre leurs conflits intérieurs . Le courant cognitivo-comportemental , auquel s ’ identifie davantage Sophie Leroux , fait plutôt appel au raisonnement pour amener des changements de comportements : « Le personnage peut vivre toutes sortes de choses dans l ’ imaginaire , il reste qu ’ après , dans la vie de tous les jours , il ne saura pas nécessairement plus comment réagir ou quoi faire : il va s ’ être senti , en partie , libéré , soulagé . Il va s ’ être senti compris , ce qui est l ’ aspect aidant du conte ou du fantastique . Mais il reste que , concrètement , dans