Montréal pour Enfants vol. 17 n°3 Été 2017 | Page 24

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psychologie

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voir les autres , on leur dit “ Salut ”, on leur dit son nom . On fait ce bout de chemin jusqu ’ à ce que l ’ enfant soit assez à l ’ aise pour que l ’ on puisse tranquillement se retirer et la laisser s ’ organiser toute seule . Ça , c ’ est le meilleur apprentissage », rapporte Jonathan Bluteau .
Quel est ton rythme ?
Si les lecteurs se sentent l ’ envie de rétorquer que trouver le juste équilibre entre l ’ écoute et l ’ encouragement n ’ est pas chose facile … les experts leur donneront sans doute raison . Frédéric Nault-Brière ajoutera même que la ligne est particulièrement mince en ce qui a trait aux adolescents : « Des adolescents peuvent vivre beaucoup de souffrances sans nécessairement être capables de nommer ce qu ’ ils sont en train de vivre . Ils ne parleront pas en termes de symptômes ou de dépression . Pour eux , ce n ’ est peut-être pas un concept qui a du sens . Il ne faut donc pas pousser trop le jeune à un point tel qu ’ il puisse y avoir une rupture ou un bris de communication . » Quoi qu ’ il en soit , la règle d ’ or que mentionne Lyse Turgeon , avec un enfant plus inhibé , serait de tenter de modérer son propre emportement , devant la succession des refus et des réticences , pour favoriser une approche planifiée et à petites doses : « J ’ ai déjà vu un papa avec sa fille qui avait un problème d ’ anxiété de séparation : il commençait à en avoir assez , alors il lui a dit : “ Je te laisse à la maison et je vais revenir lorsque tu n ’ auras plus peur !”. Cela a été un peu trop intense comme intervention et elle a eu encore plus peur après . Ça se rattrape : il est rare que quelque chose soit définitif . Mais même avec une bonne intention , momentanément , il a aggravé la peur . »
La manière de motiver l ’ enfant doit s ’ adapter à l ’ âge , puisque l ’ encadrement devant une enfant qui vit son « 2 ans terrible » n ’ est pas le même que celui d ’ un adolescent qui n ’ a plus envie de suivre ses parents dans les fêtes de famille . Les parents doivent aussi savoir que de surcharger l ’ emploi du temps des enfants qui ne savent pas dire non aux « expériences positives » n ’ est peut-être pas la solution . Que la multiplication des contextes de performance peut même s ’ avérer propice à l ’ anxiété ou à l ’ épuisement . Mais à partir de quel moment faut-il renoncer à nos attentes , comment parent , et laisser l ’ enfant vivre librement ses tendances plus introverties ? Lyse Turgeon admet qu ’ il faut beaucoup d ’ écoute pour trouver le ton juste : « Quand devons-nous accepter qu ’ un enfant est comme il est , et qu ’ il ne changera pas tellement ? Quand devrions-nous pousser pour qu ’ il y ait un changement ? Ce n ’ est pas facile d ’ y répondre , mais moi je reviendrai à la question de la détresse et du fonctionnement : si mon jeune fonctionne bien , qu ’ il a l ’ air heureux et que , pour lui , ça va bien , au nom de quoi je voudrais qu ’ il change ? Si je trouve , moi , qu ’ il n ’ est pas assez extraverti , qu ’ il ne s ’ exprime pas assez , mais qu ’ il n ’ y a pas de conséquences pour lui , je me demande si je devrais faire quelque chose . Par contre , s ’ il a vraiment un problème et , parce qu ’ il ne parle pas , parce qu ’ il ne s ’ affirme pas , il a des difficultés et semble vraiment anxieux , ne dort pas bien et a l ’ air triste , là , il y a lieu d ’ intervenir . »
Il n ’ y a pas juste moi qui peux t ’ aider
Au terme de ces négociations et de ces accompagnements , les réseaux sociaux que développent les enfants et les jeunes peuvent s ’ avérer un moyen d ’ aller chercher du soutien et de prendre conscience de leurs aptitudes , comme Jonathan Bluteau a pu le constater , lors de la première journée au camp de jour de sa fille , qui disait n ’ avoir aucune envie d ’ y aller : « C ’ est comme si elle disait qu ’ elle n ’ était pas capable ; mais c ’ était lié à une peur : est-ce que je vais me faire des amis ? Qui va être ma monitrice ? Alors je rentre dans la bâtisse avec elle , et une fois à la table d ’ accueil , il y a deux de ses amies qui arrivent et l ’ interpellent : c ’ est le soutien social qui a été son facteur de protection le plus grand . Pour elle , c ’ était merveilleux . C ’ est ce réseau informel qui constitue les atouts les plus importants . Et ma fille , malgré le fait qu ’ elle est un peu plus anxieuse , a de bonnes habiletés sociales et se fait aimer par beaucoup de gens ; alors ses stratégies sont bonnes parce qu ’ elle se fait des amis facilement et elle est populaire . Cela compense son anxiété . Ça va la suivre toute sa vie . »
Frédéric Nault-Brière nuance toutefois ce principe par le fait que les jeunes filles ne tirent pas toutes des effets aussi bénéfiques de ces interactions et tendent parfois à partager un sombre discours commun : « On appelle ça la co-rumination . Ce que l ’ on observe particulièrement chez les jeunes filles , c ’ est que si le modèle dit que l ’ école est difficile ou que la vie ne vaut pas grand-chose , lorsqu ’ elles vont s ’ en parler entre elles , le discours ne va être que cela ; et si ce n ’ est que cela , de ressasser les choses négatives constamment , cela ne fait pas que maintenir les émotions négatives , ça les amplifie et les exacerbe plutôt que de devenir une aide mutuelle . » Les parents peuvent donc avoir intérêt à garder l ’ oreille attentive et à revisiter quelques croyances que les adolescents se forgent entre eux , au besoin . Il en va