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psychologie
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voir les autres, on leur dit“ Salut”, on leur dit son nom. On fait ce bout de chemin jusqu’ à ce que l’ enfant soit assez à l’ aise pour que l’ on puisse tranquillement se retirer et la laisser s’ organiser toute seule. Ça, c’ est le meilleur apprentissage », rapporte Jonathan Bluteau.
Quel est ton rythme?
Si les lecteurs se sentent l’ envie de rétorquer que trouver le juste équilibre entre l’ écoute et l’ encouragement n’ est pas chose facile … les experts leur donneront sans doute raison. Frédéric Nault-Brière ajoutera même que la ligne est particulièrement mince en ce qui a trait aux adolescents: « Des adolescents peuvent vivre beaucoup de souffrances sans nécessairement être capables de nommer ce qu’ ils sont en train de vivre. Ils ne parleront pas en termes de symptômes ou de dépression. Pour eux, ce n’ est peut-être pas un concept qui a du sens. Il ne faut donc pas pousser trop le jeune à un point tel qu’ il puisse y avoir une rupture ou un bris de communication. » Quoi qu’ il en soit, la règle d’ or que mentionne Lyse Turgeon, avec un enfant plus inhibé, serait de tenter de modérer son propre emportement, devant la succession des refus et des réticences, pour favoriser une approche planifiée et à petites doses: « J’ ai déjà vu un papa avec sa fille qui avait un problème d’ anxiété de séparation: il commençait à en avoir assez, alors il lui a dit:“ Je te laisse à la maison et je vais revenir lorsque tu n’ auras plus peur!”. Cela a été un peu trop intense comme intervention et elle a eu encore plus peur après. Ça se rattrape: il est rare que quelque chose soit définitif. Mais même avec une bonne intention, momentanément, il a aggravé la peur. »
La manière de motiver l’ enfant doit s’ adapter à l’ âge, puisque l’ encadrement devant une enfant qui vit son « 2 ans terrible » n’ est pas le même que celui d’ un adolescent qui n’ a plus envie de suivre ses parents dans les fêtes de famille. Les parents doivent aussi savoir que de surcharger l’ emploi du temps des enfants qui ne savent pas dire non aux « expériences positives » n’ est peut-être pas la solution. Que la multiplication des contextes de performance peut même s’ avérer propice à l’ anxiété ou à l’ épuisement. Mais à partir de quel moment faut-il renoncer à nos attentes, comment parent, et laisser l’ enfant vivre librement ses tendances plus introverties? Lyse Turgeon admet qu’ il faut beaucoup d’ écoute pour trouver le ton juste: « Quand devons-nous accepter qu’ un enfant est comme il est, et qu’ il ne changera pas tellement? Quand devrions-nous pousser pour qu’ il y ait un changement? Ce n’ est pas facile d’ y répondre, mais moi je reviendrai à la question de la détresse et du fonctionnement: si mon jeune fonctionne bien, qu’ il a l’ air heureux et que, pour lui, ça va bien, au nom de quoi je voudrais qu’ il change? Si je trouve, moi, qu’ il n’ est pas assez extraverti, qu’ il ne s’ exprime pas assez, mais qu’ il n’ y a pas de conséquences pour lui, je me demande si je devrais faire quelque chose. Par contre, s’ il a vraiment un problème et, parce qu’ il ne parle pas, parce qu’ il ne s’ affirme pas, il a des difficultés et semble vraiment anxieux, ne dort pas bien et a l’ air triste, là, il y a lieu d’ intervenir. »
Il n’ y a pas juste moi qui peux t’ aider
Au terme de ces négociations et de ces accompagnements, les réseaux sociaux que développent les enfants et les jeunes peuvent s’ avérer un moyen d’ aller chercher du soutien et de prendre conscience de leurs aptitudes, comme Jonathan Bluteau a pu le constater, lors de la première journée au camp de jour de sa fille, qui disait n’ avoir aucune envie d’ y aller: « C’ est comme si elle disait qu’ elle n’ était pas capable; mais c’ était lié à une peur: est-ce que je vais me faire des amis? Qui va être ma monitrice? Alors je rentre dans la bâtisse avec elle, et une fois à la table d’ accueil, il y a deux de ses amies qui arrivent et l’ interpellent: c’ est le soutien social qui a été son facteur de protection le plus grand. Pour elle, c’ était merveilleux. C’ est ce réseau informel qui constitue les atouts les plus importants. Et ma fille, malgré le fait qu’ elle est un peu plus anxieuse, a de bonnes habiletés sociales et se fait aimer par beaucoup de gens; alors ses stratégies sont bonnes parce qu’ elle se fait des amis facilement et elle est populaire. Cela compense son anxiété. Ça va la suivre toute sa vie. »
Frédéric Nault-Brière nuance toutefois ce principe par le fait que les jeunes filles ne tirent pas toutes des effets aussi bénéfiques de ces interactions et tendent parfois à partager un sombre discours commun: « On appelle ça la co-rumination. Ce que l’ on observe particulièrement chez les jeunes filles, c’ est que si le modèle dit que l’ école est difficile ou que la vie ne vaut pas grand-chose, lorsqu’ elles vont s’ en parler entre elles, le discours ne va être que cela; et si ce n’ est que cela, de ressasser les choses négatives constamment, cela ne fait pas que maintenir les émotions négatives, ça les amplifie et les exacerbe plutôt que de devenir une aide mutuelle. » Les parents peuvent donc avoir intérêt à garder l’ oreille attentive et à revisiter quelques croyances que les adolescents se forgent entre eux, au besoin. Il en va