Montréal pour Enfants vol. 17 n°3 Été 2017 | Page 10

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vie de famille

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intimité et son calme. Des enfants, c’ est turbulent. On ne peut pas s’ attendre à vivre avec des enfants comme avec des adultes. Il y a parfois des gens qui comprennent cela difficilement. Un enfant, ça bouge, ça se laisse traîner, ça ne comprend pas toujours du premier coup, et puis il y a des stades de développement à prendre en considération. Les enfants peuvent être intrusifs aussi. Ils peuvent être quand même des enfants très bien élevés », précise Pascale Reny.
Claudine Parent rappelle aussi que les enfants sont parfois prompts à donner des leçons de simplicité: ceux qui les découvrent peuvent difficilement en faire abstraction. « On le sait, les enfants, on veut leur faire plaisir, et, à un moment, ils vont dire:“ Moi, ce que j’ aimerais, c’ est vraiment quelque chose de beaucoup plus simple.” On pensait que ce serait extraordinaire pour eux qu’ ils vivent cela. » Afin de faciliter cette transition des complications, parfois passionnantes, du monde des adultes à celui de la famille, Pascale Reny suggère aux nouveaux conjoints de se préserver un espace pour eux dans la maison et des moments correspondant davantage à leurs intérêts propres: « Je crois que c’ est très sain de poursuivre sa vie et de garder un certain lien avec ce que l’ on était avant. C’ est la même chose pour tous les couples, avec ou sans enfants, de toute façon. »
Du côté de la famille, certains parents peuvent alors vouloir laisser passer du temps, parfois même plusieurs années, afin de s’ assurer un passage harmonieux de la vie de couple à celle de famille, ou même choisir de dissocier le plus possible la vie de famille de la vie amoureuse. D’ autres décident même de mettre leur vie amoureuse en veilleuse en attendant que les enfants quittent le nid. Mais dans la mesure où les parents acceptent le risque de se laisser porter par l’ enthousiasme des débuts, un changement de fonctionnement, surtout s’ il est drastique, peut semer quelques inquiétudes et amener quelques résistances de la part des enfants. Cette réticence à s’ attacher peut aussi être accrue par le fait que l’ enfant n’ a pas encore fait le deuil de l’ histoire d’ amour de ses parents ou, qu’ au contraire, un enfant s’ est créé une relation d’ intimité privilégiée avec un parent depuis le départ de l’ autre, ou
encore il a déjà vu passer quelques partenaires qui lui ont fait vivre d’ autres ruptures.
Et pour qu’ un attachement se forme, encore faut-il d’ abord que l’ enfant se donne le droit d’ ouvrir son cœur, ce qui peut être compliqué par l’ attitude d’ un autre parent qui accepte mal l’ évolution des choses et qui le fait ressentir à son enfant, ou encore lorsque l’ autre parent brille un peu trop par son absence: « Est-ce que l’ enfant ne le voit pas assez souvent et est mécontent qu’ il y ait une autre personne dans la vie de sa mère, alors qu’ il ne voit presque pas son parent biologique, son propre père? Cela peut entraîner un conflit de loyauté pour l’ enfant. Ce n’ est pas automatique, mais certains beaux-parents, par exemple des beaux-pères, peuvent croire que si le père est décédé, il va être plus facile de nouer une relation avec l’ enfant. Ce n’ est pas aussi évident que cela. Dans son imaginaire, l’ enfant peut s’ être créé un parent idéal, qui aurait été extraordinaire », affirme Claudine Parent.
Par contre, la nature des enfants et leur besoin d’ être aimé peuvent jouer un rôle aidant dans cette transition, surtout si les enfants sont jeunes et que le nouveau conjoint est attentionné: « En général, les enfants s’ adaptent plus facilement que les parents; ils sont plus enclins au bonheur que les adultes. Ils sont souvent aussi plus ouverts d’ esprit que les adultes », affirme Pascale Reny. S’ ajoute à cela, parfois, l’ attrait d’ un mode de vie plus douillet et d’ un parent plus souriant aux côtés du nouveau conjoint, car comme l’ assurent toutes les chercheuses, même si l’ apprivoisement exige un certain temps, le souci du bonheur du parent demeure bien ancré dans la tête des enfants: « Ce sont les films qui nous racontent que les enfants n’ aiment pas que les familles se recomposent. Mais c’ est un peu un mythe, parce que la plupart des enfants désirent que leurs parents soient heureux. Ils veulent que quelqu’ un s’ occupe de leur parent. Ils sont contents de voir qu’ il y a un nouvel adulte qui aime leur parent. Ils ont peut-être vu leur parent avoir de la peine, être en colère, se sentir seul. Mais ce que je vous raconte ne ferait pas un très bon scénario de film », renchérit même Marie-Christine Saint-Jacques.