« Sous le matriarcat émergeant, la famille sera considérée comme un amalgame de divers
individus plutôt qu’un groupe social homogène. La notion de « famille » s’élargira pour inclure
d’autres formes d’arrangements de vie, comme cela se produit déjà sous nos yeux de manière
informelle. Nous allons assister à l’émergence de familles en rotation, lesquelles ne sont pas
constituées d’un groupe stable, ayant des liens pour la vie, mais réunissant davantage une
série d’individus – hommes et femmes – qui s’ajoutent ou se soustraient à l’unité familiale en
perpétuelle transformation par nécessité, par intérêt ou par l’engagement affectif des couples,
des individus ou des contraintes internes au groupe. Les cinq premières années de la vie adulte
d’une jeune femme pourraient être vécues en présence de co-locataires des deux sexes ; les
cinq années suivantes avec un compagnon de vie ; les cinq années suivantes avec un mari et
un enfant ; puis les trois années suivantes avec des amies de femmes, et ainsi de suite. Ce
modèle émerge déjà. Mais lorsqu’il s’étendra sur une plus vaste échelle, nous verrons la famille
en rotation remplacer progressivement la famille nucléaire et devenir le nouveau statu quo. »
Une composante de l’analyse marxiste orthodoxe de l’évolution des sociétés
Pour une partie de l’anthropologie évolutionniste du XIX e siècle, le patriarcat aurait
historiquement succédé à une période de domination des femmes, désignée sous le terme de
matriarcat. Dans l’entre-deux-guerres, le terme fut employé en Allemagne par les féministes
proches du mouvement völkisch afin de mettre en avant la thèse antisémite d’un « complot
judéo-patriarcal ».
La thèse d’une prépondérance de la femme dans le cadre de la famille et de la société dans les
premières sociétés humaines est développée au XIX e siècle par l’anthropologue Lewis Henry
Morgan (1818-1881). Reprise et popularisée par Friedrich Engels (1822-1895) dans L’origine de
la famille, de la propriété privée et de l’État, elle devient une composante de l’analyse marxiste
orthodoxe de l’évolution des sociétés. Selon l’archéologue Marija Gimbutas, cette thèse est validée
par la prolifération de représentations artistiques de corps de femmes, sous forme de statues,
et témoins de la pré-éminence du culte de la Déesse-mère, et reflète inévitablement la
représentation des rôles entre genres dans la société. L’hypothèse de la naissance du système
patriarcal en concomitance avec la domestication du cheval chez les populations indo-
européennes des Kourganes a été avancée par Marija Gimbutas.
Le patriarcat n’existe pas ?
Si le matriarcat n’existe pas dans le sens de « domination des femmes », alors le patriarcat
n’existe pas non plus dans le sens « domination des hommes ». En effet, quelle domination
des hommes sur les femmes quand ceux-ci sont dominés par des femmes de pouvoir telles
que Catherine de Médicis, la reine Victoria de l’empire britannique, ou la « dame de fer »
Margaret Thatcher, des femmes dirigeantes de sociétés pourtant bien patriarcales ? Quelle
suprématie des hommes quand ceux-ci sont forcés de mourir au front lorsqu’ils sont appelés
pour la guerre, pendant que leurs épouses restent bien au chaud au foyer ? Quelle domination
mâle quand les hommes sont interdits de sexualité hors mariage, ne peuvent aimer librement
celles qui les aiment, et quand les enfants conçus hors mariage sont exclus, abandonnés,
esclavagés ou tués, qu’ils soient filles ou garçons ? Les termes matriarcat et patriarcat n’ont
jamais désigné la domination d’un sexe sur l’autre, mais un ordre social fondé sur l’autorité et
la filiation maternelles ou paternelles. Il s’agit là d’une supercherie du néo-féminisme de la
« théorie du genre ».
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