Magazine Rebel Hiver 2022 | Page 22

confidence
es ton propre boss et si tu reçois un téléphone alors que tu es avec des amis au resto , tu n ’ es pas obligé de tout laisser et aller travailler . Je n ’ ai jamais regretté d ’ avoir fait ce choix . »
En agence ou indépendante , c ’ est quand même un métier qui peut comporter certains risques . Sur ce point , Dame Eve dira qu ’ elle est chanceuse , car les incidents dans son cas ont été rares .
« Il y en trois dont je me souviens particulièrement , dit la dame . Il y a eu ce pauvre monsieur mort sur le lit d ’ une crise cardiaque . Je sortais de la douche et m ’ apprêtais à le rejoindre lorsque je l ’ ai vu les yeux fermés . Je croyais au départ qu ’ il dormait . Hélas non ! J ’ ai paniqué un peu , car je ne savais pas quoi faire sur le moment . On a appelé les ambulanciers qui ont constaté le décès et transporté le corps à l ’ hôpital . Je n ’ en ai jamais eu de nouvelles ensuite .
Il y a eu aussi ce client qui a retiré hypocritement son condom avant d ’ éjaculer en moi . Là aussi , j ’ ai paniqué . Je pensais au Sida . Je suis sorti en larmes et suis allé subir des examens qui heureusement se sont avérés négatifs . Mais le temps qu ’ il faut avant d ’ avoir les résultats est un vrai calvaire .
J ’ ai eu affaire aussi à une brute qui a pris plaisir à me prendre par derrière de façon agressive au point de m ’ infliger de grandes douleurs . J ’ avais beau lui dire de cesser , mais rien n ’ y fit . »
Après avoir exercé ce métier pendant 4 ou 5 ans , Eve sent le besoin une fois de plus de faire autre chose . C ’ était rendu que j ’ angoissais à l ’ idée qu ’ on touche à mon clitoris . « Le reste ça allait , mais dès qu ’ on s ’ approchait du clitoris c ’ était l ’ angoisse totale , » dit-elle .
C ’ est à la suite d ’ une longue réflexion alors qu ’ elle était en pause , qu ’ elle décide de se spécialiser en massage érotique avec un horaire qui lui permet de vivre un peu plus librement que lorsqu ’ elle était escorte . « Jamais la nuit et jamais passer 22 heures , insiste-t-elle .
« J ’ aime donner du plaisir , donc ça cadrait bien avec ce que j ’ avais le goût de faire et disons qu ’ avec maintenant cinq années d ’ expérience mes techniques se sont raffinées et que je suis ouverte à la plupart des fantasmes de mes clients ou clientes qu ’ importe qu ’ ils soient hétéro , homo , bi ou trans . Toutefois , ils doivent être majeurs , » affirme celle qui aime bien souligner également qu ’ il arrive que des puceaux aient recours à ses services afin de découvrir ce qu ’ est une relation sexuelle .
« Je peux même dire que j ’ ai sauvé des mariages , dit sans ambages Mme Laflamme . Il y a eu des cas où le monsieur se fait refuser toute relation intime par sa femme . Plutôt que de la laisser , il vient me voir et satisfait , il retourne ensuite au foyer familial heureux . »
Des limites aux services que vous offrez ? « Oui , il y en a . Allez voir mon site web et vous verrez tout ce que je suis en mesure de faire . Si c ’ est la volonté du client ou de la cliente , alors je le fais . Je prends bien soin cependant de parler un bon 15 minutes avant le début de la séance ; un 15 minutes non facturées et qui me permet de bien connaître ses attentes . Je ne juge pas même si des collègues considèrent certaines demandes qui me sont faites plutôt inhabituelles comme ce gars qui m ’ a demandé de le pénétrer avec le poing au complet !»
Et la retraite
« Ah , la retraite ! Je me vois passer six mois dans le sud et six autres mois ici avec ma famille et mes amis . Je me vois du même coup devenir une guide , une sorte de Madame Claude pour maison close . Je me vois bien être conseillère autant pour les travailleuses du sexe que pour les clients afin de les diriger vers les bonnes personnes , des personnes fiables et professionnelles selon le genre de services demandés . Mais ce n ’ est pas pour demain , » ajoute celle qui ne l ’ a pas eu facile dans la vie .
Un père alcoolique et violent dont sa mère a réussi à quitter lorsque Eve était encore une très jeune enfant , puis un père adoptif très distant qui l ’ est devenu encore plus lorsqu ’ il a su ce que faisait sa belle-fille dans la vie , et ce , même si elle avait quitté le domicile familial à l ’ âge de 16 ans afin d ’ étudier en travail social . Elle a obtenu le diplôme mais n ’ a jamais pratiquée jugeant les conditions de travail inadéquates pour elle .
« Faut dire que mon père adoptif a totalement changé avec le temps , en fait , depuis qu ’ il s ’ est fait à l ’ idée que c ’ était ma vie et que j ’ avais le droit d ’ en faire ce que je voulais . Il est devenu à ce moment-là mon meilleur ami . Nous étions tellement liés qu ’ il a insisté pour que je l ’ accompagne dans la mort sur son lit d ’ hôpital . Il me manque beaucoup , car mon deuxième père était vraiment quelqu ’ un de bien . »
Il n ’ est pas le seul de la famille d ’ ailleurs à ne pas faire grand cas du métier exercé par Dame Eve . Les relations sont très harmonieuses autant avec sa mère qu ’ avec ses frères et sœurs qu ’ elle dit ne pas voir assez souvent . « On se voit dans quelques réunions familiales , comme lors d ’ une fête , mais nous avons chacun nos occupations , alors c ’ est difficile comme ce l ’ est je suppose pour d ’ autres familles . Il n ’ y a qu ’ une sœur , en réalité ma demi-sœur , qui refuse tout contact avec moi . Elle n ’ accepte pas ce que je fais et je respecte sa décision . »
Au moment de l ’ entrevue , Eve Laflamme vivait une autre épreuve . Après plusieurs années de vie commune , son chum et elle rompaient . « Mon ex-chum a subi un terrible accident il y a un an et depuis notre relation s ’ est détériorée , si bien qu ’ elle n ’ était plus viable . On a alors décidé de prendre des directions différentes , termine la dame célibataire et qui , par choix , n ’ a jamais eu d ’ enfant . u
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