Magazine n°9 KRAEMER_MAGAZINE_09_pages-simples | Page 49

49 Jean-Claude Gallon a beau manifester une grande humilité, il n’en pas moins consacré sa vie au cheveu avec brio, coiffant ses clientes stars. Au moment où il rejoint le groupe Kraemer avec son salon à Paris, retour sur son parcours : le métier, la beauté et l’inscription sur la durée. David Lynch dit de vous que vous êtes un artiste du cheveu. Et que vous êtes en capacité d’en faire un poème, un tableau, un roman. Artiste du cheveu, est-ce une manière de vous définir ? Je vous avouerais que je ne me définis pas moi-même comme artiste. Notre métier s’appuie sur la matière que l’on travaille. À travers elle, on définit des formes, des longueurs, des volumes. C’est elle qui nous guide dans une direction, avant tout. On imagine des tendances, lesquelles existent bien entendu, mais néanmoins nous trouverons toujours des volumes à respecter, la forme d’un visage. Au final, le cheveu prime. Tout comme le corps, et nos envies aussi. Le naturel reprend ses droits ? Oui, et en même temps, nous sommes justement là pour corriger certaines imperfections. Quand on nous dit que le « naturel revient au galop », en fonction d’un caractère ou d’un état de circonstance, il nous faut intervenir. Quand le cheveu repousse, si vous avez des épis à tel endroit, ils reviendront. Vous savez, nous sommes marqués dès la naissance par les orientations du cheveu. Nous héritons des cheveux de notre père ou de notre mère, parfois même de nos grands-parents. Le coiffeur doit s’adapter. Et puis, les tendances changent, les habitudes aussi, elles sont dictées par la société. Tout cela nous propulse et nécessite que nous nous réactualisions en permanence. Nous devons observer ce qui se passe autour de nous, sans cesse, pour nous adapter. Mais tout cela ne fait pas de vous  un artiste ? Seule la durée et le temps peuvent dire si nous laissons une trace. Nous faisons des choses parce que nous aimons les faire. Rien ne tient du hasard. Nous, il nous faut écouter, retraduire, et ça n’est pas forcément facile. Je prends l’exemple du livre que j’ai publié [Cheveux et mèches d’artistes, avec Mélina Gazsi, ndlr], il n’était pas évident pour moi de me retrouver dans les mots ; il n’était pas évident de trouver la personne qui entrait dans le personnage que j’étais. Et pour la coiffure, c’est la même chose, il nous faut entrer dans une certaine sensi- bilité, celle de la cliente. Il faut chercher la liaison directe. C’est aussi fonction de ce qu’on ressent. C’est se projeter dans l’envie de la personne ? Oui, ça découle du dialogue que vous entretenez avec la personne que vous coiffez. Il faut prendre en compte bien des éléments : savoir si elle vient pour la première fois ou si c’est quelqu’un que vous arriverez à fidéliser. Dans notre métier, le relationnel – surtout à notre époque ! – compte énormément. Le but est de satisfaire, mais aussi à terme de fidéliser justement. Il faut également s’attacher à ses envies de changement. Pour cela, nous devons affirmer une certaine polyvalence. Des coiffeurs se spécialisent dans certains domaines, ils ont du mal à en sortir. Au contraire, nous devons pouvoir faire des choses très différentes afin d’éviter la routine, comme dans tous les métiers serai-je tenté de rajouter. Autant pour nous que pour la cliente, de la routine peut naître la lassitude. C’est pour cela que j’ai été tenté de travailler dans différents secteurs, la photo, la mode ou le cinéma, même si la cliente reste la personne essentielle.