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KRAEMER—30 ANS
HISTOIRE
clientes par jour. Un volume déjà consi-
dérable pour l’époque ! Certaines de ces
clientes venaient sans rendez-vous, sans
coiffeur attitré. « Je me positionnais et
je finissais par fidéliser une clientèle.
J’en suis arrivé à cette conclusion impor-
tante : une cliente qui entre dans un salon
pour la première fois signifie qu’elle s’est
montrée insatisfaite par rapport à des
expériences vécues dans d’autres salons
précédemment. Par l’attention qu’on lui
porte, il faut qu’on montre à la cliente
qu’elle est unique. Si on a compris cela,
elle se montrera fidèle à son coiffeur et à
son salon à l’avenir. »
Le plus beau métier du monde
Un jour, Yannick découvre qu’on lui
attribue une colonne avec son nom
dans le planning de la semaine. « Quelle
fierté ! », ne peut-il s’empêcher d’insister
avec le même plaisir des années plus tard.
Par la suite, il se fixe l’objectif de remplir
cette colonne, du matin au soir, du mardi
au samedi, et de janvier à décembre. Il y
parvient, et se crée une clientèle attitrée.
Et puis, il y a la bienveillance que lui ma-
nifeste Tony ; ce dernier prend le jeune
homme prometteur sous son aile, en 1985 :
« Tony m’emmène souvent à Paris. Dès
lors, je rencontre des gens passionnés. »
Par son intermédiaire, Yannick fait la
connaissance de deux personnes qui vont
énormément compter pour lui : Jacques
Dessange et Bruno Pittini, le Directeur
Artistique du groupe. Avec émotion, il se
souvient de ce directeur artistique hors
du commun, qui le marque fortement.
« C’est un monsieur qui dégageait une aura
exceptionnelle par son professionnalisme
et sa créativité. Par sa capacité à
transmettre des savoir-faire, il est devenu
le maître à penser de nombreux adeptes
qu’il a entraînés dans son sillage. » C’est
ce dernier qui finit par le convaincre qu’il
exerce « le plus beau métier du monde ». Il
lui trace une voie et l’incite à aller au bout
de ses rêves. Ce qui confirme sa propre vo-
lonté de changement, notamment dans la
manière de permettre aux collaborateurs
d’évoluer en pleine créativité. En effet, en
pionnier, Bruno assurait un management
“ Par l’attention
qu’on lui porte,
il faut qu’on
montre à la
cliente qu’elle
est unique ! ”
YANNICK KRAEMER
souple qui permettait à chacun de s’expri-
mer. Il favorisait la liberté et surtout de
belles avancées esthétiques au début des
années 80, avec l’avènement de coupes
déstructurées avec une finition floue réali-
sée à la main.
« Cette période, insiste Yannick, m’a
donné envie d’avancer ; elle m’a conforté
dans mon ambition. » Cette ambition, il
l’appuie désormais sur l’équilibre que lui
inspire le tandem Jacques Dessange-Bru-
no Pittini. Un vrai modèle pour lui dans
la mesure où il associe un business-man
avec la tête sur les épaules et le sensible
qui faisait preuve de tant d’imagination.
« Ils conjuguaient à eux deux la question
du désir et la nécessaire réalité. Ils ont
fait du groupe ce qu’il est aujourd’hui et
permis à des centaines de coiffeurs d’évoluer
et à des gens comme moi de participer à
ce vaste mouvement. »
Encouragé par Bruno Pittini, véritable
maître à penser et initiateur de bien des
parcours, Yannick décide de lancer lui-
même sa propre affaire. À sa grande sur-
prise, non seulement Tony lui offre une
écoute attentive, mais l’accompagne dans
la nouvelle aventure : celle du salon de la
rue des Serruriers, derrière la place
Gutenberg, à Strasbourg. C’était il y a
trente de cela, le 7 décembre 1987.
Dès l’ouverture du salon, pas moins de 15
salariés s’y activent avec enthousiasme,
avec parmi eux la fine fleur de la coiffure à
Strasbourg, dont un certain Eric Pfalzgraf,
futur créateur de la marque Coiff1rst qui
reste aujourd’hui encore l’un des amis les
plus proches de Yannick. Comment ex-
plique-t-il ce succès si soudain ? Il nous
répond par le maître-mot qui l’anime :
« La passion ! Non pas l’argent, insiste-
t-il, mais la passion ! » Cette passion se
manifeste dans la relation qu’il entretient
à ses clientes, une relation quasi amou-
reuse selon lui, qui l’engage à les combler
de plaisir. Ce plaisir est une promesse
qu’il lui faut tenir, les rendre belles bien
sûr, mais aussi partager des moments de
délectation. Pour lui, la coiffure contient
« sa part de rêve ! »
New York-Berlin
La fin des années 80 constitue pour Yan-
nick Kraemer une période déterminante
qui se construit sur des choix. « Des choix,
précise-t-il, qui s’imposent à moi. » Il a le
choix entre développer une marque ou se
consacrer intégralement à l’artistique ; il
opte pour le développement. « Dans le
métier de coiffeur, nous explique-t-il, il
est possible de ne se consacrer qu’à l’ar-
tistique, créer des collections, participer
à des shows de coiffure ou à des défilés
de mode. Cela correspond à l’activité
d’un Directeur Artistique au sein d’un
groupe. » Il sous-entend ainsi qu’il s’agis-
sait une voie qui s’ouvrait à lui – il avait
bien sûr les compétences pour entamer
une belle carrière de DA –, mais l’envie
d’entamer un développement avec la
création de nombreux salons de coif-
fure est plus forte. Il manifeste ainsi un
véritable tempérament d’entrepreneur.
« Ma créativité s’exprimait ainsi, par
l’ouverture de salons et l’élaboration
d’un concept commun à ces salons. »
Après avoir repris le salon de son père à
Hatten, Yannick entame sa conquête du
Bas-Rhin en ouvrant des salons à Hague-
nau, Schiltigheim, Saverne et Obernai.