Société
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La liberté
de l’instant
Par Emmanuel Abela
Photo : Chrystel Lux
Depuis trois ans, les coiffeurs
du groupe Kraemer coiffent
bénévolement les détenues de
la maison d’arrêt de Strasbourg
dans le cadre d’une opération
menée par la Croix Rouge. Nouvelle
étape essentielle dans ce dispositif
humanitaire : l’ouverture d’un
salon de coiffure et d’esthétique.
De gauche à droite, Armand Perego, Yannick Kraemer,
Maud de Boer-Buquicchio, Alain Reymond
Maud de Boer-Buquicchio
secrétaire adjointe du Conseil de l’Europe
« Ce salon représente beaucoup pour les femmes détenues.
Ce que je constate, c’est qu’il est indispensable que les
conditions de détention, que ce soit en France ou ailleurs, soient
plus humanisées. C’est d’ailleurs une exigence de la convention
des Droits de l’Homme. On doit garder à l’esprit le respect
de la dignité humaine. Je pense que ce salon, qui a été ouvert
grâce à la générosité et l’ouverture d’esprit de l’établissement
pénitencier permet justement à ces femmes de retrouver leur
dignité. »
Alain Reymond
directeur de l’établissement
Le mardi 16 novembre, un salon de coiffure et d’esthétique a
été inauguré à la maison d’arrêtv de Strasbourg, en présence de
Maud Boer-Buquicchio, secrétaire générale adjointe du Conseil
de l’Europe, et Armand Perego, président régional de la Croix
Rouge, à l’origine du projet. Depuis 3 ans, Yannick Kraemer et
ses équipes de coiffeurs participent à cette aventure qui consiste
à couper les cheveux des détenues bénévolement une journée
par mois. La nécessité d’aménager un espace exclusivement
dédié à ces instants de détente s’est fait ressentir. Profitant de la
mise à disposition de l’ancien espace de la biberonnerie, la Croix
Rouge et les équipes de Yannick Kraemer ont aménagé un vrai
salon de coiffure et d’esthétique, selon les critères défendus par
le groupe Kraemer : la sobriété d’un décor chic qui les plonge
au cœur d’un milieu naturel avec la présence des plantes et la
diffusion d’une musique ambiante relaxante. En alternance avec
des esthéticiennes, ce salon situé dans le quartier des femmes est
ouvert aux détenues tous les quinze jours, ce qui multiplie par
deux la fréquence d’ouverture. Il permet aux femmes détenues
d’oublier le temps d’un instant essentiel leur incarcération, en
leur offrant l’occasion de se ressourcer et de se révéler à nouveau
dans toute leur féminité.
« On parle souvent des établissements pénitenciers quand il
y a des problèmes, des conflits, des incidents, et c’est un peu
dommage parce que tout ce travail qui se fait à Strasbourg
est primordial dans la prise en charge des détenus et c’est
bien qu’on puisse le montrer aujourd’hui et le mettre en
avant. C’est surtout le symbole d’un partenariat très fort avec
la Croix Rouge. Ça représente une prestation équivalente à
ce que bénéficient les femmes à l’extérieur. Tout ça dans le
cadre d’actions que l’on met en place pour la réinsertion des
personnes détenues. C’est quelque part, préparer la sortie. »
Christiane
détenue
« Ça change tout. C’est vraiment super, on se sent féminine à
nouveau, ça fait du bien de se faire chouchouter et d’avoir un
bout d’extérieur ici. Et puis, j’aime qu’on cherche à me faire
plaisir. »
Armand Perego
président régional de la Croix Rouge
« La création de ce salon est le résultat de la générosité du
directeur de la prison et de l’engagement de Yannick Kraemer.
Cette œuvre a été rendue possible grâce à la confiance
réciproque que nous nous sommes accordée. Lorsque les
détenues m’ont lancé ce défi l’année dernière, j’ai voulu leur
rendre hommage et rendre leur quotidien plus agréable. Quoi
de plus important pour la Croix Rouge que de penser à la
dignité des femmes ? Il était important pour nous de répondre
favorablement à leur demande, pour voir la prison autrement. »
Yannick Kraemer
« Je pense que chaque personne attend le moment et la
possibilité de donner un peu de son temps aux autres. Parfois,
il faut un simple déclic. En l’occurrence, ce déclic est venu avec
la rencontre d’Armand Perego de la Croix Rouge. Après 3 ans
de travail dans un local étroit et sans confort, nous avons pu
réaliser grâce à l’aide d’autres bénévoles Croix Rouge, Julie
Vogt et Alain Voltzenlogel (Peinture Décorative Alain), un salon
de coiffure et d’esthétique digne d’un salon haut de gamme.
Aujourd’hui, nous sommes en mesure de proposer aux détenues
un réel instant de liberté. »
Propos recueillis par Cécile Becker