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Psychologie 18 L’intimité d’une rencontre Une cliente vient avec ses incertitudes. Le coiffeur doit lui apporter des réponses précises. Line Fabing-Keller, psychologue, et Thierry Jochum, coiffeur au salon Yannick Kraemer Prestige, à Strasbourg, évoquent ensemble l’instant de la rencontre. Par Emmanuel Abela Photos : Chrystel Lux Line Fabing-Keller  : J’ai pensé à la question du cheveu. Le cheveu a un impact considérable. Prenons par exemple les premiers cheveux qu’on coupe à son enfant, les boucles du bébé. Pour la mère, il s’agit d’accepter que son enfant grandit et passe à autre chose ; c’est presque un premier moment de séparation. De même pour un enfant, l’instant où sa mère se coupe les cheveux provoque chez lui une forme de sidération. Il se rend compte qu’elle n’a plus tout à fait le même visage ; ça n’est plus tout à fait sa mère. Pour la question de l’identité, le cheveu est essentiel  : à l’armée, qu’est-ce qu’on coupe en premier, ce sont les cheveux, pour uniformiser  ? Du coup, le coiffeur a une importance capitale. Je ne sais pas si vous saisissez à quel point c’est important. Et à quel point, à un moment, on se retrouve dans une vulnérabilité totale. On s’en remet à vous, avec vos ciseaux – qui renvoient à la castration ! – ; ce qui est coupé, il n’y a que le temps qui peut le rattraper. Thierry Jochum : Tous les jours, on se dit : je coupe des cheveux, c’est mécanique, et en même temps, je touche à des femmes, je rentre dans leur intimité, et il faut que je fasse attention. Le cheveu, c’est intime, ça peut être sensuel. Nous mêmes, qui avons une âme, une personnalité, nous hésitons parfois... L.F-K. : On a une idée de soi, une image avec laquelle on est plus ou moins en accord, mais un jour, on s’en remet au coiffeur. Et en même temps, je vous demande à vous, le professionnel : «  Laissez moi un peu de moi et donnez-moi un peu autre chose. » T.J. : Je vous comprends. C’est pour ça qu’on passe par une pha- se diagnostique. Ça peut paraître clinique, mais c’est nécessaire. Il nous faut chercher à comprendre l’autre. Nous devons nous projeter dans ses envies, mais c’est complexe. Il nous faut arriver à établir le lien entre deux images, celle de la personne qui est projetée dans le miroir et celle que nous avons d’elle. L.F-K.  : Oui, il faut arriver à construire quelque chose de cette rencontre. C’est ambivalent  : la cliente a une image qu’elle connaît, et en même temps elle est en demande d’un change- ment. Mais ce changement ne doit pas trop perturber l’image qu’elle a d’elle même, c’est extrêmement délicat. T.J. : Du coup, c’est à nous de l’aider à franchir le pas. L.F-K. : D’où l’importance de retrouver le coiffeur en qui on a confiance…