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TENDANCES
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Marilyn Monroe, l’icône star au sommet
de sa gloire : incomparable !
L
es boucles sont si étroitement
liées à la chevelure qu’elles ont
fini par se confondre avec elle.
Au XIX e , Baudelaire ne s’y
trompe guère quand il introduit ainsi
son poème La Chevelure dans la section
Spleen et Idéal des Fleurs du mal en 1857 :
Ô toison, moutonnant
jusque sur l’encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé
de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir
l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant
dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l’air
comme un mouchoir !
Ici comme ailleurs, les boucles désignent
les cheveux, dont elles sont indissociables
dans l’esprit des gens depuis l’aube des
temps – n’attribue-t-on pas aux assyriens
la création du fer à friser ? Autre exemple,
Boucles d’Or – parfois au singulier, Boucle
d’Or – est bien le nom qu’on donne en se
basant simplement sur la couleur de ses
cheveux à cette petite fille blonde dans le
conte folklorique écossais du même nom,
généralement attribué aux frères Grimm.
La boucle pour le cheveu, comme une év-
idence même.
Or, l’histoire de la chevelure nous rensei-
gne : les boucles, bien qu’omniprésentes
de tout temps, ne sont qu’une possibil-
ité parmi d’autres pour les coiffures des
femmes. Le début du XX e a même tenté
de rompre avec des siècles de tradition
bouclée, en revenant au lisse, et même à
pire que cela : la coupe garçonne. L’éman-
cipation de la femme passait par la néga-
tion de ce qui était considéré alors comme
la forme la plus pure de toute féminité :
la boucle justement. La boucle, comme
force de séduction ; la boucle, comme
l’amorce du péché – sublime Marie-Ma-
deleine dans le Retable d’Issenheim de
Grünewald, à contempler indéfiniment
au Musée Unterlinden, à Colmar ! – ;
bref, la boucle, comme le fruit du désir…
Pendant un temps, vade retro la boucle,
au placard : à la Belle Époque, elle est
malmenée, voire niée, elle n’est plus le
signe de la modernité. Dans un mouve-
ment inverse, elle devient même le motif
de l’androgynie dans la magnifique évo-
cation que fait Thomas Mann du jeune
Tadzio dans La Mort à Venise en 1912 :
« Les ciseaux n’avaient jamais touché
sa splendide chevelure dont les boucles,
comme celles du tireur d’épine, coulaient
sur le front, les oreilles et plus bas encore
sur la nuque ». Une description magnifiée
dans la version filmée qu’en a proposée
Luchino Visconti au début des années 70.
Mais c’était sans compter le cinéma amér-
icain, qui faisait largement fi de ces con-
sidérations garçonnes très européennes
de l’entre-deux-guerres pour se ré-attacher
pleinement au glamour, quitte à imposer
de nouveaux codes. Dans les années 30, la
star hollywoodienne devient la référence
en matière de coiffure, et la tendance est
nettement à la boucle comme on peut le
constater dans certaines photographies
d’époque : le carré court à la Jeanne Darc
qui a fait le succès de Louise Brooks à la fin
de la décennie précédente chez Pabst cède
le pas sous les coups de boutoir ondulés
signés par les grands coiffeurs de studio
à destination de Greta Garbo dans une
version intermédiaire, puis de Marlène
Dietrich. L’actrice allemande devenant
au passage l’archétype de la femme fatale,
blonde et bouclée, auquel seuls résistent
les contre-modèles subtilement ondulés
et bruns de la sublime Paulette Goddard
dans Les Temps modernes de Chaplin ou
la troublante Maureen O’Sullivan dans
la série des films de Tarzan avec Johnny
Weissmuller. Une tendance nettement
relayée en France, qui doit répondre à
des critères à la fois esthétique – on naît
femme, c’est bien pour le rester ! – et pratique.
Même pendant l’occupation, la boucle
se maintient avec une coiffure qui relève
les cheveux en masse ondulée et bouclée,
laissés longs sur la nuque. En ces temps
d’austérité, cette coupe qui fut à la mode
pendant toute la guerre constitue selon
certains historiens un défi patriotique en
dépit de la vogue des grands chapeaux et
autres turbans popularisés pour cacher
des chevelures devenues moins sophis-
tiquées. Après guerre, la boucle revient en
force avec Rita Hayworth, et au moment
où les jeunes gens s’emparent du pouvoir
de la mode, les modèles outre-Atlantique
viennent une fois encore confirmer la
tendance. Dans Sept Ans de Réflexion,
l’image de Marilyn Monroe à sa fenêtre,
un sèche-cheveu à la main, fait fantasmer
des générations entières de jeune gens :
le mythe d’une blondeur juvénile associée
à l’entretien de boucles soyeuses est dé-
finitivement ancré dans la mémoire col-
lective. Dans cette scène culte, érotisée à
la limite de l’impudeur, l’actrice incarne
définitivement un profond sentiment de
liberté, lequel anticipe l’émancipation des
générations suivantes, tout en exprimant
la plus grande modernité esthétique ; elle
le fait ici, avec le même aplomb que dans
la scène demeurée célèbre de la bouche
de métro. Dans un même mouvement as-
cendant, les robes se soulèvent tout au-
tant que les cheveux dans le vent, à moins
que ça ne soit le contraire : les cheveux
d’abord, les robes ensuite.
Depuis, la boucle, bien que bousculée par-
fois ou carrément reléguée, a gardé toute
sa place aux côtés des cheveux lisses, frisés
ou crêpés, elle effectue son retour très
régulièrement sur le devant de la scène.
Les années 70 ont connu leur lot de per-
manentes, y compris pour les hommes.
Après, ce n’est pas faire injure à Robert
Plant de Led Zeppelin que d’affirmer que
la mode de ses ravissantes bouclettes
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Beyoncé joue avec ses longs
cheveux autant qu’avec les
codes : en passant de la coupe
afro à de belles boucles, elle
donne du sens à son élégance
naturelle.