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ARTS
des réactions vives, d’incompréhension
parfois, de réprobation souvent. Lui n’en
a cure, il continue d’explorer ce qui fait
le fondement de sa quête : le corps tou-
jours et encore, le corps viscéralement, le
corps désespérément. Il le confronte au
fluide, au mouvant, à l’espace comme peu
de gens l’ont fait avant lui. Comme il le
formulait récemment dans son flamand
rugueux dans le cadre d’une interview vi-
déo destinée à Arte Creative : « Le corps
ne ment pas. Il dit la vérité. » Cette vérité
du corps l’amène à en conclure que c’est
bien la force de l’individualité qui fait le
style, d’où la nécessité de choisir non pas
des comédiens et danseurs qui se fondent
dans un tout homogène, mais bien qui
expriment leur pleine personnalité sur
scène. Ils les appellent ses « warriors of
beauty », ses combattants de la beauté, re-
joignant en cela le définition que donnait
du corps l’artiste américaine Barbara Kru-
ger dans les années 80 : « Votre corps est
un champ de bataille ». On ne sait qui sort
vainqueur de ce combat, peut-être l’affir-
mation de soi. Dans cette même émission
pour Arte Creative, Jan Fabre précise le
fond de sa pensée à propos de ce qu’il
appelle le « style » : « Le style n’a rien à
voir avec la mode. Le style c’est quelque
chose d’individuel et de personnel. Pour
un artiste, le style c’est être “soi”. Le style
est une forme de clarté ». Une forme de
clarté, sous-entendue de manière ins-
tinctive et irréfléchie. Comme une impul-
sion immédiate et naturelle, primitive en
quelque sorte. Rien d’étonnant au fait
qu’il puise dans la nature, sous l’influence
de son homonyme l’entomologiste fran-
çais Jean Henri Fabre, tous ces motifs qui
lui permettent d’alimenter aussi bien son
œuvre plastique que chorégraphique : les
insectes dont les métamorphoses – merci
Ovide et Franz Kafka ! – le fascinent dans
sa mise en relation de la chair et de la lu-
mière, par un jeu de voiles aérien. Comme
un ultime fantasme, celui du dépassement
suprême de notre propre corps.
Galerie Guy Pieters
Parmi les galeries qui représentent l’œuvre
plastique de Jan Fabre, dont ses magnifiques
pièces en marbre, la galerie Guy Pieters
à Knokke-le-Zoute. Laquelle figure dans
le top 10 mondial.
L’histoire des galeries Guy Pieters
débute en Belgique, dans le
village de Laethem-Saint-Martin
situé à proximité de Bruges et
Gand, bien connu des amateurs
d’art dans la mesure où il a attiré
des artistes flamands parmi les
plus renommés, des Réalistes,
des Impressionnistes et des
Expressionnistes à la fin du XIX e
et au début du XX e , puis des Néo-
expressionnistes. Ils ont constitué
un groupe solide qu’on a nommé
l’“école de Laethem-Saint-Martin”.
La famille Pieters a suivi
l’évolution de ces artistes ; elle a
créé la première galerie d’art de
la région. Guy Pieters a ouvert
ses propres galeries, la première
à Laethem, la seconde dès 1981 à
Knokke-le-Zoute et la troisième
à Saint-Paul de Vence. Autant
de galeries qui ont acquis une
renommée mondiale. Le galeriste
Guy Dellaert nous donne les clés
du succès : la fidélité à des artistes
de renom, rencontrés à une
époque où les ateliers des artistes
étaient encore accessibles.
« Nous cherchions les artistes
et eux-mêmes se mettaient en
quête de galeristes dynamiques
et enthousiastes. Ainsi, nous
avons constitué très rapidement
un solide noyau d’artistes,
une condition nécessaire au
développement de la galerie.
Ensuite, nous avons suivi leur
parcours, nous sommes devenus
amis, tout en restant admirateurs
et naturellement acheteurs. »
Aujourd’hui, la démarche vise
à fonctionner toujours et encore au
coup de cœur, même si la priorité
vise à représenter des artistes avec
lesquels la galerie a travaillé par le
passé, les Nouveaux Réalistes Niki
de Saint Phalle, Arman et César, ou
des artistes Pop, Tom Wesselmann
ou Robert Rauschenberg, sans
oublier la génération Cobra,
Pierre Alechinsky et Karel Appel.
« N’oubliez pas, nous précise-t-
il, que nous avons commencé à
travailler avec eux à la fin des
années 70. Certains d’entre eux
n’avaient pas encore la notoriété
actuelle. » Certains de ces artistes
nous ont malheureusement quittés,
mais pour ceux qui restent très
actifs, la rencontre est rendue
possible pour le collectionneur
dans le cadre d’expositions
personnelles comme c’est le cas
pour Jan Fabre jusqu’en octobre
2016. « Pour l’artiste, ce contact
est essentiel : il sait où se trouve
son œuvre et souvent une amitié
durable naît des premiers
échanges. Quand le collectionneur
entre dans une galerie, il découvre
un monde unique, onirique et
personnel ; l’achat s’accompagne
d’une grande émotion ». Et de
donner un conseil aux jeunes
collectionneurs : « N’ayez pas peu
de suivre vos émotions, achetez
quand vous aimez ! ».
Galerie Guy Pieters
Albertplein 15
8300 Knokke-Heist
+32 (0) 50 612 800
www.guypietersgallery.com
Jan Fabre,
De hartstocht van het brein,
29 x 28 x 31 cm, marbre