Magazine Kraemer KRAEMER MAGAZINE 07 | Page 44

44 45 ARTS des réactions vives, d’incompréhension parfois, de réprobation souvent. Lui n’en a cure, il continue d’explorer ce qui fait le fondement de sa quête : le corps tou- jours et encore, le corps viscéralement, le corps désespérément. Il le confronte au fluide, au mouvant, à l’espace comme peu de gens l’ont fait avant lui. Comme il le formulait récemment dans son flamand rugueux dans le cadre d’une interview vi- déo destinée à Arte Creative : « Le corps ne ment pas. Il dit la vérité. » Cette vérité du corps l’amène à en conclure que c’est bien la force de l’individualité qui fait le style, d’où la nécessité de choisir non pas des comédiens et danseurs qui se fondent dans un tout homogène, mais bien qui expriment leur pleine personnalité sur scène. Ils les appellent ses « warriors of beauty », ses combattants de la beauté, re- joignant en cela le définition que donnait du corps l’artiste américaine Barbara Kru- ger dans les années 80 : « Votre corps est un champ de bataille ». On ne sait qui sort vainqueur de ce combat, peut-être l’affir- mation de soi. Dans cette même émission pour Arte Creative, Jan Fabre précise le fond de sa pensée à propos de ce qu’il appelle le « style » : « Le style n’a rien à voir avec la mode. Le style c’est quelque chose d’individuel et de personnel. Pour un artiste, le style c’est être “soi”. Le style est une forme de clarté ». Une forme de clarté, sous-entendue de manière ins- tinctive et irréfléchie. Comme une impul- sion immédiate et naturelle, primitive en quelque sorte. Rien d’étonnant au fait qu’il puise dans la nature, sous l’influence de son homonyme l’entomologiste fran- çais Jean Henri Fabre, tous ces motifs qui lui permettent d’alimenter aussi bien son œuvre plastique que chorégraphique : les insectes dont les métamorphoses – merci Ovide et Franz Kafka ! – le fascinent dans sa mise en relation de la chair et de la lu- mière, par un jeu de voiles aérien. Comme un ultime fantasme, celui du dépassement suprême de notre propre corps. Galerie Guy Pieters Parmi les galeries qui représentent l’œuvre plastique de Jan Fabre, dont ses magnifiques pièces en marbre, la galerie Guy Pieters à Knokke-le-Zoute. Laquelle figure dans le top 10 mondial. L’histoire des galeries Guy Pieters débute en Belgique, dans le village de Laethem-Saint-Martin situé à proximité de Bruges et Gand, bien connu des amateurs d’art dans la mesure où il a attiré des artistes flamands parmi les plus renommés, des Réalistes, des Impressionnistes et des Expressionnistes à la fin du XIX e et au début du XX e , puis des Néo- expressionnistes. Ils ont constitué un groupe solide qu’on a nommé l’“école de Laethem-Saint-Martin”. La famille Pieters a suivi l’évolution de ces artistes ; elle a créé la première galerie d’art de la région. Guy Pieters a ouvert ses propres galeries, la première à Laethem, la seconde dès 1981 à Knokke-le-Zoute et la troisième à Saint-Paul de Vence. Autant de galeries qui ont acquis une renommée mondiale. Le galeriste Guy Dellaert nous donne les clés du succès : la fidélité à des artistes de renom, rencontrés à une époque où les ateliers des artistes étaient encore accessibles. « Nous cherchions les artistes et eux-mêmes se mettaient en quête de galeristes dynamiques et enthousiastes. Ainsi, nous avons constitué très rapidement un solide noyau d’artistes, une condition nécessaire au développement de la galerie. Ensuite, nous avons suivi leur parcours, nous sommes devenus amis, tout en restant admirateurs et naturellement acheteurs. » Aujourd’hui, la démarche vise à fonctionner toujours et encore au coup de cœur, même si la priorité vise à représenter des artistes avec lesquels la galerie a travaillé par le passé, les Nouveaux Réalistes Niki de Saint Phalle, Arman et César, ou des artistes Pop, Tom Wesselmann ou Robert Rauschenberg, sans oublier la génération Cobra, Pierre Alechinsky et Karel Appel. « N’oubliez pas, nous précise-t- il, que nous avons commencé à travailler avec eux à la fin des années 70. Certains d’entre eux n’avaient pas encore la notoriété actuelle. » Certains de ces artistes nous ont malheureusement quittés, mais pour ceux qui restent très actifs, la rencontre est rendue possible pour le collectionneur dans le cadre d’expositions personnelles comme c’est le cas pour Jan Fabre jusqu’en octobre 2016. « Pour l’artiste, ce contact est essentiel : il sait où se trouve son œuvre et souvent une amitié durable naît des premiers échanges. Quand le collectionneur entre dans une galerie, il découvre un monde unique, onirique et personnel ; l’achat s’accompagne d’une grande émotion ». Et de donner un conseil aux jeunes collectionneurs : « N’ayez pas peu de suivre vos émotions, achetez quand vous aimez ! ». Galerie Guy Pieters Albertplein 15 8300 Knokke-Heist +32 (0) 50 612 800 www.guypietersgallery.com Jan Fabre, De hartstocht van het brein, 29 x 28 x 31 cm, marbre