Magazine Kraemer KRAEMER MAGAZINE 07 | Page 34

34 TENDANCES 35 David Bowie l’éternel présent Par Emmanuel Abela ———— En parfaite rupture avec sa période glam débridée, David Bowie aborde la deuxième moitié des années 70 en dandy d’un nouveau genre et influence la new wave anglaise. ———— Le célèbre shooting signé Brian Duffy pour la pochette d’Aladdin Sane en 1973. Au début de l’année, David Bowie nous a quittés. Chacun d’entre nous a été touché par une chanson ou une apparition de celui qui fut plus qu’une icône de la pop : une entité rayonnante, à jamais. Hommage. L a nouvelle est tombée comme ça, un lundi tôt le matin, le 11 janvier dernier, nous coupant les jambes au moment d’amorcer la semaine : David Bowie venait de mourir. La surprise ne venait pas tant de sa dis- parition –  les signes avant-coureurs étaient là  –, mais plus de l’unanimité qui a accompagné cette annonce. Lui qui avait fait sienne la prophétie d’Andy Warhol concernant le quart d’heure de célébrité de chacun avec son magnifique Heroes –  «  We could be heroes just for one day » – nous livrait par parcelles in- fimes des éclats étincelants de sa propre célébrité faisant de chacun d’entre nous ses propres héros un jour entier. Nous étions tous “un” dans l’hommage vibrant qui se propageait de manière universelle, avec des instants d’émotion qu’on revivait avec la même intensité qu’au moment de la disparition d’Elvis Presley en 1976, John Lennon en 1980 ou de Michael Jackson en 2009. La chose pouvait surprendre quand on sait que David Bowie a mis du temps, non pas à avoir du succès mais à s’imposer à l’échelle planétaire, comme une évidence pour tous. Sa carrière était très large- ment entamée avec un cycle magnifique complet quand en 1983, sous la houlette de l’ami Nile Rodgers, il publiait Let’s Dance. Les années 70 étaient enterrées, une décennie qu’il a marqué profondé- ment de son influence, laissant place à un semblant d’insouciance. Adieu Ziggy Stardust, adieu The Thin White Duke, adieu tous ces personnages avec lesquels il avançait masqué, changeant de look à l’envi, selon les saisons et les disques qu’il sortait alors à la pelle. Bonjour Mr David Bowie, ultime masque de David Jones, musicien et parolier de génie, pantomime émérite et acteur sensible, que plus rien n’éloignera de sa destinée, au firmament, tutoyant les étoiles. En a-t-il fallu des simulacres, des looks, des coupes improbables avant de s’ac- complir pleinement ? Ça a commencé par une tentative mod au cœur des 60’s, avant d’adopter le look post-hippie, androgyne et bouclettes – la fameuse pochette à la robe de The Man Who Sold the World en 1971 – et enfin le glam rock qu’il n’a pas seulement initié, mais qu’il survole de tout son éclat dès 1972. On se souvient de la coupe qu’il arbore sur Aladdin Sane, relevée sur le dessus, longue dans la nuque, mais aussi des sublimes tenues de scène dessinées par Freddie Burretti ou Kansai Yamamoto – incroyable Tokyo Pop en 1973, en forme de disque vinyle ! On peut s’avouer plus sensibles au re- vival 30’s de l’époque berlinoise, après sa courte parenthèse américaine : tenue de scène blanche très smart, le Nautical Costume signé Natasha Korniloff en 1978, coupe courte, avec de la longueur sur le dessus et la raie sur le côté. Une approche assagie qui cachait une autre forme de subversion plus sourde, mais pas moins dévastatrice. On le sait rétrospectivement, contrairement à ce qui est dit ici ou là, David Bowie n’était pas seulement pionnier, c’était un magnifique analyseur de tend- ances, un recycleur sans être pour autant un pilleur. À la fin des années 70, il sentait que le punk qu’il avait inspiré avait cette capacité dévastatrice de tout remettre en question. Lui n’en avait cure, il était déjà