Magazine Kraemer KRAEMER MAGAZINE 06 | Page 19

19 TENDANCES HIPSTER, L’ANIMAL INSAISISSABLE Par Vanessa Schmitz-Grucker On le croise dans les rues, on le voit à la télé, on le retrouve dans les équipes de handball ou de rugby. Il a fait l’objet de la première collection homme de Kraemer, Sweet Fight. Il ? Qui donc ? Mais le hipster, voyons ! L’homme d’aujourd’hui, fier de sa virilité, mais ouvert à la conscience du monde. Dossier complet, avec rappel historique, playlist et un test. V ous avez entendu parler des hipsters, vous avez croisé des hipsters et – qui sait ? – votre fils est peut-être un hipster mais vous n’avez toujours pas décodé l’animal. Rassurez-vous, en demandant simplement à votre entourage une défi- nition du hipster, vous comprendrez bien vite que vous n’êtes pas seul. Il y aurait bien quelques signes qui ne trompent pas mais le mot a tant et si bien été galvaudé qu’il en devient difficile de le définir pré- cisément. Non, le hipster n’est pas un produit contemporain. Si Sébastien Tellier pour- rait passer pour l’archétype du hipster d’aujourd’hui, le premier est, en réalité, né il y a presque 100 ans, en 1920, à Kan- sas City. Charlie Parker, monument du jazz dans les années 40, est LA référence du hipster. Déconcertant ? C’est pourtant ce qu’affirme le spécialiste du jazz, Frank Tirro dans son Jazz: History. Selon lui, « Pour le hipster, Charlie Parker était la référence ». Alors qu’on nous vendait le hipster comme un descendant du bobo (bourgeois-bohême), lui-même potentiel descendant du hippie, l’Histoire nous joue des tours. Voici notre hipster père- fondateur de l’attitude hippie et bobo. Pourtant, le hipster contemporain n’a plus grand-chose à voir avec son ancêtre amateur de jazz, marginal, désargenté et enclin à la consommation de substance illégale. Il ne vous aura peut-être pas échappé que le terme hipster peut même avoir une connotation dévalorisante comme n’importe quel adjectif accolé à un phénomène de mode. Car le hipster est bel et bien un produit tendance. Cheveux long élégamment négligés, barbe soignée, style vestimentaire impeccable, tatouage old-school, plus qu’un mode de vie, le hipster est aujourd’hui avant tout un véritable phénomène de mode. Mais la vie de hipster n’est pas toujours facile pour autant. Il faut souvent vivre aux crochets de ses parents pour éviter de participer à la folie capitaliste mais aussi pour se consacrer à ses lectures philosophiques et à quelques maladroits accords de guitare. Le hipster a donc généralement entre 16 et 25 ans mais il n’est pas rare de rencontrer des spécimens plus âgés. Sans être « mainstream », le hipster doit tout savoir anticiper  : il participait aux manifestations anti-nucléaires avant Fukushima, il faisait des dons pour Haïti avant la catastrophe et s’était abonné pour 10 ans – au moins – à Charlie Hebdo bien avant le 7 janvier 2015. Bref, le hipster consacre beaucoup de temps à soigner sa culture G pour ne pas être pris en flagrant délit d’ignorance. Et quand bien même cela devait arriver, il a des parades infaillibles – ou presque : « Allen Ginsberg et la Beat Generation, oui, excuse-moi, j’y étais pas ! Evidemment, j’ai lu l’intégrale chez Christian Bourgois ! Ah la littérature du XVIIIe, qui ne connaît pas ? » ou encore « Ah oui, ce Gondry là ! Nan, moi j’ai pas vu Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, trop tendance, je préfère Conversation animée avec Noam Chomsky, tu connais  ?  ». Plus aisé, il arrive au hipster de ne pas finir ses phrases ou d’esquiver une question embarrassante en répondant par une question encore plus alambiquée. Le hipster n’admettra jamais en être un alors pour retrouver l’animal dans la jungle, voici quelques pistes :