Magazine Kraemer KRAEMER_10_Maquette_16 | Page 18

18 19 BEAUTÉ Brigitte Bardot par Richard Avedon en 1959 “ Aujourd’hui, la blondeur peut sembler contestée ; elle n’est plus unanime, mais fait mieux que résister.  ”  la troublante Twiggy avec sa coloration immaculée, et les stars s’appellent Ma- rianne Faithfull ou Anita Pallenberg, compagnes respectives de Mick Jagger et de Keith Richards. Elles vivent leurs cheveux blonds au vent, et s’affirment en toute liberté. C’est le moment où les teintures, dont le célèbre Préférence de L’Oréal qui annihile toute concurrence, permettent des changements fréquents chez les jeunes femmes. Désormais, elles se préoccupent d’elles sans chercher à sa- voir ce que les hommes en pensent. Qui dit libéralisation dit contre-feu réactif, et il est vrai que des modèles comme Farrah Fawcett, blonde langoureuse des séries 70’s à la mode, puis Pamela Anderson au cours de la décennie suivante, n’ont pas plaidé pour les blondes. Ces contre-mo- dèles ultra-marketés ont causé bien des dommages à la cause de la blondeur et ont façonné l’image de la « blonde jolie mais décérébrée ». Certains font remonter cette image à la pauvre Jayne Mansfield dans les années 50 et 60, l’icône déchue qui avait été construite pour contrer le succès de Marilyn avait été spécialisée dans le rôle des «  blondes idiotes  ». La jeune femme n’en parlait pas moins cinq langues et pratiquait le piano et le violon classiques. Heureusement, la sémillante Debbie Harry, icône punk du groupe Blondie, vient apporter un démenti par- fait à la fin des années 70. Même les gar- çons s’y mettent  : Sting, Stewart Cope- land et Andy Summers, les trois gaillards peroxydés du groupe The Police ont fait de la blondeur une marque de fabrique, même si celle-ci était accidentelle dans un premier temps, David Bowie leur emboite le pas à l’époque de Let’s Dance avec le succès que l’on sait… Aujourd’hui, la blondeur peut sembler contestée ; elle n’est plus unanime, mais fait mieux que résister. On n’efface pas ainsi les millénaires qui l’ont consacrée comme le critère premier de la b ­ eauté. Et s’il est loin d’être prouvé que les hommes préfèrent les blondes – l’écart statistique n’est que de quelques points, 44% pour les blondes contre 38 pour les brunes, et 18% pour les rousses –, la rareté effective des blondes naturelles, leur apparence plus jeune, et surtout les enjeux mercantiles de leur très forte présence médiatique, conti- nuent de plaider en leur faveur. De plus, la blonde représente généralement une forme de stabilité : dans la représentation, elle est la mère, la femme mariée et par- fois même la sainte, dans une opposition qui fait de la brune, la maîtresse ou l’aven- turière – on se demande d’ailleurs quelle position est la plus enviable. Les stéréo- types font des ravages, et les blondes ne sont pas épargnées, mais à l’ère où la beauté est devenue une marchandise industrielle, généralement associée à l’oc- cidentale, blanche, mince, jeune, aisée et donc blonde – merci dear Barbie  !  –, la blondeur retrouve sa propre voie, s’éman- cipe des clichés et s’affirme dans sa pure- té originelle étincelante ; elle le fait de ma- nière ostensible et désinhibée, avec toutes ses variations, cuivrée, dorée, caramel, châtaigne, cendrée ou carrément platine. À l’image de Taylor Swift, nouvelle idole blonde, elle est loin d’avoir dit son dernier mot, et nous réserve bien des surprises à l’échelle planétaire. Taylor Swift ressuscite la blondeuravec une grande décontraction