MAG WAVE RADIO 2020 | Page 82

SURF / Journal

Aube océane ROMAIN QUESADA

L ’ odeur d ’ humus résiné disparaissait peu à peu . Les grands pins laissaient la place à leurs congénères buissonnants . En arrivant sur la dune , désormais à découvert , je fus surpris par un courant d ’ air aussi rapide que bref . Il souleva une odeur puissante d ’ immortelle . Cette risée vivifiante avait dû me sentir trop engourdi . Épicé , l ’ accord mets et vent m ’ avait rempli nez et poumons . Il était temps de me réveiller . Le sol d ’ aiguilles avait laissé place au mouvant du sable . Les traversées de dunes sont des traversées du désert au petit cours . Il n ’ y avait pas d ’ autre forme de chemin que celui évitant les panicauts , bien nommés « chardons des dunes » au regard de leur épines . Chaque pas semblait marquer le crescendo des couleurs . Tout se découvrait , s ’ éclairait , au même rythme . Progressivement , entre la terre silice et le ciel saphir , l ’ horizon prenait de l ’ épaisseur . D ’ une ligne sombre , il devenait trait , puis socle . Enfin l ’ océan se dévoilait . Jamais il n ’ avait été absent de cette scène originelle . Toute la nuit il avait grondé . L ’ humidité saline qui emplissait l ’ air forestier en était son aura . Par le sel , dans l ’ air comme dans le sang , l ’ océan est partout . Partout et là . Lissé par le vent de terre , il frémissait d ’ une envie de conquérir la terre . Le trio planétaire n ’ avait de cesse d ’ aller et venir , et cela depuis leur tout premier jour . Ils se jouaient les uns des autres . À chacun ses tactiques et ses flux . Le ciel avait les vents , la terre avait les poussières et l ’ océan , les vagues . Ce matin , malgré une tentative du vent d ’ Est de porter loin les sables et les pollens sur l ’ océan , l ’ océan prenait l ’ avantage . Ses houles longuement préparées , arrivaient par lot de 6 ou 7 lames . Laissant quelques répits , l ’ océan maintenait l ’ effort . Chaque vague présentait tous les contrastes de couleurs et de forme . Très ronde , puis très creuse . Très bleue , puis très blanche . Vierge de toute présence humaine , l ’ aube avait quelque chose d ’ universel . Là , au creux de ce pli de terre , d ’ air et d ’ eau mêlés . Source du vivant . Devais-je rester spectateur ou entrer dans la danse ? Une vague plus haute , comme ralentie par sa masse , s ’ imposa à l ’ horizon … Un oiseau blanc volait à sa surface , concentré sur sa ligne . Il montrait la voie .
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