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Interview I Interview Madame nouvelair
Madame nouvelair : Dans le récit de votre voyage culinaire , quels chapitres définissent l ’ éveil et l ’ épanouissement de votre passion pour la pâtisserie , cet art délicat et raffiné ? Salma Langar : Je vais commencer par les premières étapes de mon parcours , la naissance de ma passion . Je garde ce souvenir précieux des soirées passées avec ma grand-mère , ma mère et mes tantes dans la cuisine . Ces moments de partage ont marqué le début de ma passion pour la cuisine . Comment parler de ma passion sans parler de mon père , passionné par la restauration , et par son restaurant Valentino . Sa relation avec les employés , sa longévité de 40 ans et son amour du métier . À 15 ans , lorsque j ’ ai préparé un plat de Nwasser avec mon frère et mon père , j ’ ai eu un déclic . Après le bac , j ’ ai choisi une école de cuisine en Tunisie , l ’ Institut Supérieure des Hautes Études Touristique ( IHET ). En parallèle , j ’ ai suivi une formation en « hospitality management » à l ’ École Supérieure de Tourisme et Hôtellerie de Paris pendant un an , au sein de l ’ établissement ESH Hotel . Enfin , je me suis spécialisée en pâtisserie au sein de Cordon Bleu , suivi de stages en pâtisserie Chocolatine Cyril Lignac .
Madame nouvelair . : Boulevard des Capucines semble être une toile sur laquelle vous peignez vos rêves pâtissiers . Pourriez-vous nous conter l ’ histoire et les muses qui ont inspiré la naissance de ce sanctuaire de douceurs ? S . L . : À Tunis , j ’ ai travaillé avec plusieurs enseignes de renommée , mais mon rêve d ’ entrepreneure m ’ a poussée à ouvrir mon premier laboratoire de pâtisserie , Le Trait Honoré , puis je me suis lancée dans une nouvelle aventure , Boulevard Des Capucines . L ’ idée de lancer un concept de pâtisserie jeune et artistique est venue de mes expériences en consulting et d ’ opportunités d ’ ouverture d ’ un établissement . J ’ ai concrétisé ma vision dans un concept épuré , axé sur le gâteau , qui représente le centre de l ’ univers . La pâtisserie est vivante grâce à l ’ équipe , aux couleurs , à l ’ art , à la collaboration et à la recherche constante de nouvelles idées . Je souhaite créer un univers de pâtisserie créative , où le savoir-faire et l ’ art sont au cœur du concept . Madame nouvelair . : Votre signature en pâtisserie se distingue par son raffinement et son originalité . Comment définiriez-vous l ’ essence de votre art pâtissier et quels éléments le rendent distinctif ? S . L . : La créativité est la touche la plus importante , on capitalise sur les bases de la cuisine française et on les réinvente , on les sublime , on intègre de nouveaux goûts , de nouvelles formes . L ’ équipe s ’ adapte aux produits locaux . C ’ est une jeune pâtisserie , colorée , dynamique , créative et en adéquation avec le rythme de la ville
Madame nouvelair . : L ’ innovation semble être un élément clé de votre travail . Comment parvenezvous à fusionner les techniques traditionnelles de la pâtisserie avec des tendances plus modernes dans vos créations ? S . L . : Je vais citer mon gâteau français préféré comme exemple : Le Paris Brest , emblème de la pâtisserie française , mais que je veux moderniser . Pour moi , c ’ est une évidence de le mettre dans la vitrine de Boulevard Des Capucines et de lui donner un nouveau look contemporain . Nous avons créé tous les éléments du Paris Brest classique : la pâte à chou , la crème mousseline . En dernière étape de création , nous l ’ avons déstructuré en y ajoutant une nouvelle technique moderne du tourbillon tourne-disque .
Madame nouvelair . : Votre formation au Cordon Bleu et votre expérience chez « La pâtisserie by Lignac Chocolatine » ont dû enrichir votre palette culinaire . Comment ces expériences ont-elles façonné votre approche unique de la pâtisserie ? S . L . : Formée par des Meilleurs Ouvriers de France , j ’ ai acquis les bases et les techniques de la pâtisserie française auprès de grands chefs tels que Cyril Lignac et Benoit Couvrant . J ’ ai été formée par des professionnels pour qui la perfection et le souci du détail sont une approche quotidienne et un mantra .
Madame nouvelair . : Dans le processus créatif , d ’ où tirez-vous l ’ inspiration pour vos nouvelles créations , qu ’ il s ’ agisse de saveurs , de textures ou de présentations ? S . L . : L ’ esthétique , l ’ art , la mode , les univers blancs , naturels , les couleurs vives et les formes variées … Les couleurs sont essentielles pour créer un environnement visuel attrayant et stimulant . Les produits locaux , les vitrines et les étagères des marchés sont autant de sources d ’ inspiration . Le goût pour l ’ innovation et la recherche constante de nouvelles idées sont également des éléments clés pour donner vie à ce concept . En ce qui concerne la pâtisserie , l ’ univers créatif et artistique est nourri de couleurs , de formes , de produits locaux et de vitrines . L ’ univers de la pâtisserie est vivant grâce à l ’ équipe , aux couleurs , à l ’ art , à la collaboration et à la recherche constante de nouvelles idées .
Madame nouvelair . : Chaque chef a ses souvenirs culinaires qui le marquent . Quelle est votre « madeleine de Proust » personnelle ? S . L . : Les plats de ma grand-mère Khadouj : la Mhammssa aux poulpes de Kerkenah , son gâteau à l ’ orange et le couscous au mulet .
Madame nouvelair . : Malgré leur montée en puissance , les femmes sont encore minoritaires dans la pâtisserie . Quel message voulez-vous faire passer aux jeunes cheffes qui se lancent ?
S . L . : Ne vous laissez jamais intimider dans ce métier qui est majoritairement masculin . Ayez un fort caractère . Soyez les décisionnaires de votre parcours . Le talent , la passion , l ’ amour du métier sont nos ingrédients secrets pour réussir . Je leur conseille de faire fi des préjugés du métier et de tracer leur route .
Madame nouvelair . : Y a-t-il un ingrédient que vous considérez comme indispensable dans votre cuisine personnelle ? S . L . : L ’ huile d ’ olive sans aucun doute !
Madame nouvelair . : Parmi les grands noms de la pâtisserie , quels sont ceux qui vous inspirent le plus et pourquoi ? S . L . : Plusieurs , c ’ est très difficile de donner un seul nom , mais je vais revenir sur les noms des chefs qui m ’ inspirent le plus dernièrement . Claire Heitzler , pour sa finesse , la justesse des goûts et son souci du détail . Miquel Guarro , pour l ’ esthétisme qui dépasse toute idée que l ’ on pense créative . Jordi Roqua pour sa folie . Jeffrey Cagnes pour sa façon de sublimer les classiques de la pâtisserie française .
Madame nouvelair . : En tant que cheffe pâtissière , quels aspects de votre rôle trouvezvous les plus gratifiants et lesquels sont les plus exigeants ? S . L . : Le management , comment guider et gérer son équipe et puis la création et l ’ inspiration au quotidien . Ce que j ’ affectionne dans mon métier , c ’ est le processus de création et ce que j ’ aime le moins sont les calculs comptables .
Madame nouvelair . : Comment percevezvous l ’ évolution de la pâtisserie tunisienne contemporaine en termes de sophistication et d ’ innovation culinaire S . L . : Je pense que la pâtisserie tunisienne n ’ a cessé de se réinventer et de se moderniser , elle est en perpétuelle évolution . Je salue les pionnières de la pâtisserie tunisienne qui sont des modèles de réussite .
Madame nouvelair . : La pâtisserie est une forme d ’ art pour vous . Comment vivez-vous et nourrissez-vous ce processus créatif au quotidien dans votre atelier ? S . L . : La création est mon moteur . Quand je me réveille et que je viens au labo de Boulevard Des Capucines , je vois les produits de saison , je pense à la marmelade d ’ agrumes , aux associations de goûts , aux couleurs et à une nouvelle création selon la saison . Tout ce processus est synonyme d ’ extase et je suis excitée comme un enfant qui voit Disney pour la première fois .
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