Madame-N°2 | Page 33

Homme du mois I man of the month Madame nouvelair
Madame nouvelair : Parlez-nous de votre enfance . Dans quel environnement avezvous grandi ? Aziz Jebali : Tout d ’ abord , il faut que je vous mette dans le contexte . Quand on dit Aziz Jebali , on pense directement à mon oncle ( Taoufik Jebali , ndlr ) mais ce que les gens ignorent c ’ est que je l ’ ai connu relativement tard . Du coup , je ne peux pas dire que je suis tombé dans la marmite très tôt . Il faut avouer aussi que l ’ environnement familial était particulier , mon père -tout comme mon oncle- sont très drôles , il fallait donc que je sois un minimum sympathique pour ne pas être catalogué de « relou » de la famille ( rires ). J ’ étais également un enfant très sage , un peu trop même . J ’ étais tellement timide que je n ’ arrivais même pas à m ’ exprimer . Mais je trouvais refuge dans l ’ humour . D ’ ailleurs , ma mère et mes amis m ’ ont toujours trouvé drôle , certains m ’ avaient carrément dit à l ’ époque qu ’ il fallait que je réfléchisse à monter un spectacle mais je ne les prenais jamais au sérieux . J ’ ai aussi fait du handball pendant 14 ans , j ’ étais un assez bon joueur toutefois , je devais penser à mon avenir et le bac en poche , je me suis retrouvé à l ’ ESSEC Montfleury . Cette première année à la fac a été très dure à vivre et je voulais tout laisser tomber pour passer une année blanche . Mais ma mère n ’ a rien voulu savoir et m ’ a inscrit à des cours de théâtre ( à El Teatro ) afin de me libérer l ’ esprit et ça a été le coup de foudre ! J ’ étais tellement bien que je ne voulais plus rentrer , j ’ assistais à toutes les répétitions , à toutes les pièces , j ’ assistais aux séances des autres groupes . Il m ’ est même arrivé d ’ y vendre des livres comme prétexte pour m ’ imprégner de cette ambiance .
Madame nouvelair : Donc on peut dire que le théâtre a été votre première passion AJ : Sans conteste , oui ! Mais j ’ étais tellement timide quand j ’ étais enfant que je n ’ osais pas y aller ! Ça m ’ a permis d ’ exploser littéralement . Je n ’ ai jamais été le chouchou que ce soit dans ma famille ou au sein de mon équipe de handball mais au théâtre , si . Le plus drôle est que je n ’ en étais même pas conscient . Et curieusement , cet amour et cette passion pour le théâtre m ’ ont fait pousser des ailes et m ’ ont permis de m ’ intéresser à mes études .
Madame nouvelair : Quel métier rêviezvous de faire à l ’ époque ? AJ : Je ne peux pas dire que j ’ en rêvais mais à un moment j ’ ai pensé à faire du copywriting dans une boîte de com pour rester dans l ’ écriture et la créativité . Je n ’ aurais jamais pu supporter de travailler dans un bureau avec des horaires administratifs . Je savais qu ’ il fallait que je fasse un travail dans lequel je pouvais exprimer ma créativité . Sincèrement , j ’ étais tellement obnubilé par le théâtre que je ne pensais qu ’ à ça . Toutefois , tout mon entourage me disait que les passions ne permettaient pas de faire vivre , du coup , j ’ ai quand même obtenu mon master parce que ça reste un bagage non négligeable et une garantie pour l ’ avenir .
Madame nouvelair : Quand avez-vous su que ça allait être le théâtre et pas autre chose ? AJ : Dès le premier jour ! J ’ ai eu la chance d ’ être formé par Naoufel Azara , qui pour moi , est l ’ un des meilleurs formateurs , et qui m ’ a transmis sa passion pour le théâtre . Lors de ma deuxième année à El Teatro , Moez Gdir m ’ a également offert l ’ opportunité de participer à la pièce « L ’ isoloir » et me suis retrouvé avec des acteurs comme Abdelhamid Bouchnak , Hela Ayed , Yasmine Dimassi qui avaient 7 ou 8 ans d ’ expérience , à faire une trentaine de représentations à guichets fermés ! Ça vous fait grandir d ’ un coup et aimer encore plus ce que vous êtes en train de faire . Mais au bout d ’ un moment , on stagne au théâtre et c ’ est à partir de ce moment-là que j ’ ai commencé à penser à la manière d ’ évoluer .
Madame nouvelair : Et le déclic alors ? AJ : Je savais que je n ’ allais rien faire avec mon master . D ’ ailleurs , j ’ ai travaillé avec un ami pendant 6 mois et j ’ ai arrêté net car je ne m ’ y épanouissais pas ! Et un jour , en écoutant la chanson de Christophe Maé « Il est où le bonheur ? », ça a été comme une évidence pour moi : oui , c ’ est quoi le bonheur et comment le définir ? C ’ était le sujet que je voulais aborder , développer , partager avec les gens . Et c ’ est de là qu ’ est née l ’ idée principale de ma pièce . J ’ ai alors décidé de participer à L ’ Avant-Première des Arts de la Scène où des grosses pointures du théâtre allaient également présenter leurs pièces et je n ’ oublierai jamais la réaction de Taoufik Jebali à la fin de ma représentation : il était en larmes puis est monté sur scène pour me serrer contre lui . « C ’ était sincère », voilà ce qu ’ il m ’ avait dit . Une phrase sur laquelle j ’ ai bâti toute ma carrière .
Madame nouvelair : Et c ’ est ce qui vous a donné la force de continuer à vivre votre rêve . AJ : Exactement ! Ça m ’ a donné de la force et de la satisfaction . Je savais que j ’ étais sur la bonne voie . Vous savez , j ’ étais tellement bien dans ce que je faisais et j ’ étais tellement passionné que quand on me payait , je ne comprenais pas pourquoi il fallait une compensation financière de ce j ’ offrais aux gens . Pour moi , c ’ était absurde d ’ être payé pour quelque chose qui me donnait autant de satisfaction et qui me faisait tellement de bien ( rires ).
Madame nouvelair : Et comment avezvous vécu les projets auxquels vous avez participé après cet événement ? AJ : Avec beaucoup de contentement . Je me sentais grandi , plus mûr , encore plus motivé qu ’ avant . D ’ ailleurs , c ’ est dans cet état d ’ esprit que j ’ ai fait Dachra puis Nouba . Je ne pensais pas du tout à l ’ audimat , et on l ’ était tous . Toute l ’ équipe faisait son boulot avec passion . Il n ’ y avait pas de tête d ’ affiche , et même Abdelhamid ( Bouchnak , ndlr ) était presque un inconnu chez les réalisateurs . Du coup , on ne s ’ attendait absolument pas au succès qu ’ a eu Nouba ! Pourtant , quand il a commencé à être diffusé , il y avait d ’ autres feuilletons à succès qui passaient sur les autres chaines comme « Ouled Moufida », « Chouerreb » ou encore « El Maestro ».
M . N : Vous avez toujours fait partie du clan « Bouchnak ». Qu ’ est-ce qui vous plait en lui ? AJ : Un passé commun , une folie commune ( rires ). On se sent proches l ’ un de l ’ autre . On a beaucoup rêvé ensemble , et on a rêvé de tout ce qui est en train de se passer actuellement . On a tellement vécu d ’ échecs que l ’ on ne peut pas se permettre de ne pas s ’ épauler dans les moments difficiles . Quand j ’ ai commencé à travailler avec lui sur Dachra , je me suis dit que je n ’ avais rien à perdre et que , au contraire , j ’ avais tout à y gagner . Et puis , on était un groupe de jeunes inconnus , on voulait réellement montrer de quoi on était capables .
M . N : Vous avez connu une ascension fulgurante surtout depuis votre rôle dans Nouba . Comment vivez-vous ce succès ? AJ : C ’ est vrai que l ’ on prend conscience de son statut « d ’ acteur relativement connu » dans les endroits publics parce qu ’ on vous reconnaît . Mais à aucun moment je n ’ ai
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