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Dès lors, le respect du DIH doit s’analyser aussi à l’aune de ses
conséquences de long terme sur les populations et les sociétés touchées, et en
liens étroits avec les capacités de l’action humanitaire.
Comme l’a souligné devant la Hertie School le chef du BCAH, M. Mark
Lowcock, les caractéristiques du conflit moderne ont créé cinq défis
humanitaires principaux :
– les civils sont fréquemment tués ou blessés ;
– les combats durent et il en va de même pour les besoins humanitaires, la
durée moyenne des appels humanitaires est passée de quatre ans en 2005 à sept ans
en 2017 ;
– les conflits entraînent le déplacement d’un nombre croissant de personnes,
fin 2017, près de 70 millions de personnes avaient dû fuir leur domicile du fait de
violences, conflits ou persécutions ;
– les déplacements exacerbent la faim et la maladie. Les conflits armés ont
été en partie responsables de quatre famines en 2017 (Yémen, Soudan du Sud,
Somalie, nord-est du Nigeria), et favorise le développement des maladies ;
– les travailleurs humanitaires sont de façon croissante la cible d’attaques.
En créant des besoins humanitaires immédiats et en fragilisant des
communautés pendant des années, les violations du DIH favorisent aussi
l’apparition de cycles de violences, avec de nouveaux épisodes conflictuels et de
nouvelles violations du DIH. C’est notamment pour endiguer ce phénomène qu’est
promue aujourd’hui la notion de « nexus » humanitaire développement, afin de
favoriser la résilience des communautés en période de post-conflit et d’éviter
l’apparition de nouveaux affrontements armés. Dès lors, l’importance du DIH doit
s’évaluer bien au-delà de l’instant T du conflit.
A. LES CONFLITS ARMÉS CRÉENT DES BESOINS HUMANITAIRES DE
GRANDE AMPLEUR
1. Des besoins humanitaires immédiats
Les conflits armés, tout particulièrement lorsque les violations du DIH y
sont nombreuses et fréquentes, créent des besoins humanitaires. Ainsi, selon le
rapport mondial sur les crises alimentaires (2018), 60 % des personnes touchées par
une crise alimentaire dans le monde vivent dans un pays touché par un conflit armé.
C’est dans ce contexte que la résolution 2417 (2018) du CSNU a reconnu le lien
intrinsèque entre la faim et les conflits, ainsi que le rôle du DIH dans la prévention
et la lutte contre la faim dans les conflits armés, en plus de condamner l’usage de la
famine comme méthode de guerre (voir supra ).