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Comme le souligne Secrétaire général dans ses rapports annuels, les
violences sexuelles perpétrées en temps de guerre sont l’un des crimes de
guerre les moins signalés de tous. Elles entraînent une très forte stigmatisation et
suscitent ainsi une peur du rejet chez les victimes, qui prend une forme particulière
pour les hommes dans la mesure où dans plus de soixante pays, les hommes et
garçons n’entrent toujours pas dans le périmètre des législations nationales relatives
aux violences sexuelles. Vos rapporteurs se félicitent dans ce contexte que la
dernière résolution adoptée par le CSNU sur le sujet en avril 2019 (2467), malgré
des limites (voir infra ), intègre la nécessité de s’adapter aux besoins des hommes
victimes de violences sexuelles et des enfants nés de viols (1) .
D’autre part, si le droit international existant aujourd’hui est bien
développé, on constate d’importantes lacunes au niveau national dans certains
États touchés, et, comme dans les autres pans du DIH, d’importantes marges de
progression dans l’effectivité des règles de droit et dans la lutte contre l’impunité.
Non seulement une part encore significative des violences sexuelles n’est pas
signalée et donc connue, mais surtout les crimes connus ne sont pas toujours
jugés.
L’un des principaux enseignements tirés par vos rapporteurs sur la lutte
contre les violences sexuelles dans les conflits armés est le suivant : le
développement des législations nationales et des systèmes judiciaires nationaux
est indispensable pour assurer la lutte contre l’impunité des crimes commis, la
justice pénale internationale ne pouvant être suffisante. Cet aspect est d’autant
plus important que les violences sexuelles commises en temps de guerre tendent à
favoriser l’apparition d’une culture du viol, dont les effets s’étendent au-delà des
périodes de conflits.
Des progrès ont été constatés récemment. Ainsi, l’Afghanistan, la Somalie
et le Soudan n’assimilent plus le viol à un adultère, ce qui a permis une mise en
conformité des codes pénaux nationaux avec les normes internationales sur ce point.
Pour autant, dans certains États, les violences sexuelles sont généralement
renvoyées devant des tribunaux de droit commun ou des tribunaux traditionnels
(jusqu’à 90 % des cas en Somalie et au Soudan du Sud selon l’ONU), qui obligent
les victimes à épouser leur violeur (2) .
Les évolutions nécessaires au plan national doivent aussi passer par la
formation et la sensibilisation des forces armées. Ainsi, en application de la
résolution 2106 (2013) du CSNU, plusieurs États dont la Côte d’Ivoire, la Guinée,
l’Irak, la République centrafricaine, la RDC, la Somalie et le Soudan du Sud,
publient des communiqués et ont mis en place des plans d’actions visant à réduire
les violences sexuelles liées aux conflits.
(1) « Les services proposés doivent être adaptés aux besoins des femmes ayant donné naissance à un enfant par
suite d’un acte de violence sexuelle commis en temps de conflit, ainsi qu’à ceux des hommes et des garçons
qui auraient été victimes de violences sexuelles en temps de conflit . »
(2) Dans trente-sept pays, aucune poursuite n’est, encore aujourd’hui, intentée à l’encontre des auteurs de viols
s’ils sont mariés à leur victime ou s’ils l’épousent par la suite.